Vidéo
Proposé par Institut national de l’audiovisuel
Date de diffusion : 18 juin 1994 | Date d'évènement : 1933
Interview d'Alain Blum, chercheur à l'INED, au sujet de la grande famine de 1933 en Ukraine, causée par la collectivisation brutale des terres décidée par Joseph Staline. Un drame à considérer dans le cadre plus global d'une grande famine affectant plusieurs régions de l'URSS, mais qui touche plus particulièrement et fortement l'Ukraine. Événement sans précédent dans l'histoire moderne de l'Europe, cette famine va devenir un élément central dans le discours identitaire ukrainien.
Niveaux et disciplines
Ressources pédagogiques utilisant ce média
Niveaux: Cycle 4 - Lycée général et technologique - Lycée professionnel
1878-1953 : Staline, itinéraire d'un dictateur
Niveaux: Cycle 4 - Lycée général et technologique - Lycée professionnel
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l'histoire de l'Ukraine
Informations et crédits
- Type de ressource :
- Forme :
- Collection :
- Date de l'évènement :
- 1933
- Date de diffusion du média :
- 18 juin 1994
- Production :
- France 2
- Page publiée le :
- 24 févr. 2023
- Modifiée le :
- 26 déc. 2023
- Référence :
- 00000005349
Contexte historique
Au début des années 1930, de très importantes famines frappent une partie de l’URSS (au Kazakhstan, dans la région de la Volga, en Ukraine et dans la région du Kouban etc.) et font environ 7,5 millions de morts. Cette mortalité extrême est le produit de la brutale collectivisation des terres décidée par le régime soviétique à la fin des années 1920 pour financer notamment le plan quinquennal de 1928. L’Ukraine est particulièrement affectée, puisqu’entre 3,5 et 4 millions de personnes y meurent en l’espace d’une année (soit 10 à 15 % de la population totale de la région).
L’existence de cette famine est totalement niée par le pouvoir soviétique (qui interdit par exemple, au sein même de l’administration, la rédaction de rapports qui décriraient la situation dans les villages ukrainiens) et peu connue en Occident dans les années 1930. Elle revient au premier plan au moment de la dislocation de l’URSS et de l’indépendance de l’Ukraine au début des années 1990 et devient alors un enjeu politique et identitaire majeur. La question de la reconnaissance et la commémoration de l’Holodomor
(un néologisme ukrainien, signifiant littéralement le fait de tuer par la faim, qui est créé à cette époque) constitue une ligne de fracture entre ceux qui veulent maintenir des relations de proximité avec la Russie et les partisans de la rupture. En novembre 2006, le parlement ukrainien adopte une loi qui reconnaît la famine de 1932-1933 comme un génocide du peuple ukrainien
et condamne symboliquement sa négation.
La qualification de génocide ne fait pas complètement consensus parmi la communauté des historiens. Certains, tout en reconnaissant pleinement la responsabilité du régime stalinien, insistent ainsi sur la multiplicité des territoires touchés par la famine et en font en quelque sorte une catastrophe commune à l’espace soviétique dans son ensemble. Les nombreux morts seraient le fruit d’une politique anti-paysanne et non anti-ukrainienne. Les dernières avancées historiographiques tendent toutefois à mettre en lumière la spécificité de la famine en Ukraine et à montrer que celle-ci, intentionnellement aggravée par Staline, s’articule directement à une politique de répression d’une nationalité considérée comme dangereuse par le pouvoir.
Éclairage média
Dans cet extrait de l’émission Géopolis de France 2, l’historien et démographe français Alain Blum, spécialiste de la démographie soviétique, présente la famine de 1933 en Ukraine. Il en souligne le caractère dramatique
, avec ses quelque 6 millions de morts dont la moitié en Ukraine, et mentionne le rôle des mouvements nationalistes ukrainiens et des exilés ukrainiens dans sa redécouverte. Pour autant, il s’attache également à en nuancer voire à en démentir la singularité : il insiste ainsi sur le fait que cette famine ne touche pas que l'Ukraine et frappe des régions traditionnellement touchées par des famines
, que de nombreux Russes meurent aussi, qu’elle est due avant tout à la collectivisation, etc.
L’entretien est diffusé en 1994, c’est-à-dire à un moment où la question de la famine en Ukraine devient un enjeu politique majeur dans cette jeune république indépendante. De nombreux travaux historiques ont toutefois été réalisés depuis sur la question. Le nombre de morts mentionné par Alain Blum apparaît ainsi quelque peu sous-estimé : les estimations récentes font état d’environ 7,5 millions de morts plutôt que 6 millions. Par ailleurs, la thèse d’une spécificité de la famine en Ukraine est aujourd’hui défendue par certains spécialistes de la question (tel Nicolas Werth). Alain Blum lui-même, dont la position semble ici assez tranchée (mais peut-être est-ce dû également à la nature de l’émission et à la durée de l’extrait), adopte dans son dernier ouvrage (L'âge soviétique. Une traversée de l'Empire russe au monde postsoviétique, coécrit par Françoise Daucé, Marc Elie et Isabelle Ohayon et paru en 2021 chez Armand Colin) un point de vue plus nuancé.