Une opérette-revue : un genre inédit

Réseau Canopé

Proposé par Réseau Canopé

Interview de Christophe Maudot, auteur de la restitution musicale du Verfügbar aux enfers de Germaine Tillion. Dans cet extrait, Christophe Maudot évoque le sens que prend pour Germaine Tillion le choix d'intituler son œuvre musicale opérette-revue, un genre qui n'existe pas.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
« Le Verfügbar aux enfers », de Germaine Tillion
Réalisation :
Zornitta Laura
Copyright :
2016
Année de production :
2016
Page publiée le :
12 juil. 2023
Modifiée le :
25 sept. 2023
Référence :
00000005441

Description

Par Réseau Canopé

Une opérette à Ravensbrück

Le Verfügbar aux enfers est une opérette-revue écrite clandestinement en 1944, par Germaine Tillion, alors détenue au camp de concentration de Ravensbrück.

Germaine Tillion était ethnologue. Plongée dans l’horreur de la détention, elle a su prendre le recul nécessaire pour observer et comprendre les règles de l’univers concentrationnaire qu’elle et ses camarades subissaient. Le rire étant la seule arme qui lui restait, elle a écrit cette œuvre très singulière, qui dépeint de façon inattendue l’enfer du camp. Des parties jouées s’entremêlent aux parties chantées, les paroles des musiques empruntées ayant été modifiées par Germaine Tillion et ses camarades de détention.

Éclairage

Par Réseau Canopé

Pourquoi avoir écrit une opérette ?

C’est en réaction à l’affaiblissement physique et moral de ses codétenues que Germaine Tillion s’engage et engage ses compagnes dans une activité inconcevable en un tel lieu. Il ne saurait y avoir plus belle introduction à cette volonté de créer pour résister à l’horreur que les mots d’Anise Postel-Vinay en ouverture de la première représentation publique de l’œuvre, le 2 juin 2007 :

 

Chers spectateurs,

L’opérette que vous allez voir ce soir est tout à fait singulière.
En pleine guerre de 1940, l’auteur Germaine Tillion est enfermée dans un camp de concentration de femmes à Ravensbrück, non loin de Berlin.
À l’automne 1944, la libération tant espérée pour Noël ne paraît plus vraisemblable.
Les prisonnières sont très affaiblies, les baraques de malades se sont multipliées, l’espoir d’en sortir est devenu très ténu.
Germaine Tillion s’inquiète de nous voir tomber une à une dans le désespoir […] il nous faut cependant continuer à tenter de rire de notre état lamentable : c’est notre seule planche de salut.
Germaine va nous y aider. Elle nous convie à écrire avec elle quelque chose de gai, une opérette par exemple ! Une opérette qui soit le reflet de notre condition misérable de Verfügbar, morceaux de musique qui soient le plus gai, le plus réconfortant possible.
Allons ! Ne nous attendrissons pas sur nous-mêmes, écrivons, chantons !

 

Anise Postel-Vinay a été arrêtée pour faits de résistance le 15 août 1942, à l’âge de 20 ans. Déportée à Ravensbrück en octobre 1943, elle a été libérée le 23 avril 1945 par la Croix-Rouge suédoise. Après la guerre, elle contribue aux trois ouvrages publiés par Germaine Tillion sur Ravensbrück et à la constitution du fonds déposé au musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon. Elle est également l’auteur de nombreux articles relatifs à la déportation et au camp de Ravensbrück. Durant sa déportation, elle est affectée aux kommandos reconditionnant la fourrure de manteau féminin dans la doublure des imperméables blancs destinés aux soldats allemands du front est.

Outre les fonctions évoquées et la volonté de donner à ses codétenues une activité sagace, il est possible de penser que Germaine Tillion a aussi imaginé et écrit cette opérette pour elle-même. Compte tenu de la rapidité d’écriture, une dizaine de jours selon l’auteur (entretien filmé avec Helmuth Bauer, 1995), du peu de ratures dans le manuscrit, Germaine Tillion devait probablement trouver dans ce travail de création un espace de liberté, le plaisir de travailler la langue française, de s’essayer au théâtre et naturellement de bénéficier pour elle-même des fonctions précédemment évoquées.

Cependant, au moment de sa rédaction, l’ouvrage n’est aucunement conçu comme un témoignage destiné aux populations restées libres hors du camp ou aux historiens pour un hypothétique « après », car Havas, personnage de l’opérette-revue, le sait : « il n’y a pas d’après » (fin du texte et de l’acte III).

Conditions matérielles d'écriture

À l’automne 1944, les Verfügbars françaises sont affectées au kommando du Bekleidung. Dans les hangars destinés au stockage des vêtements, les déportées déchargent des wagons en provenance des pays occupés par le Reich et trient les biens pillés par les nazis. C’est alors que Germaine Tillion, avec la complicité de ses camarades N.N. se cache dans une caisse d’emballage pour écrire son opérette.

Vlasta Stachova, déportée Tchèque parlant allemand et employée au Bauleitung, le bureau des constructions et de l’extension du camp, lui fournit le papier et les crayons.

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