vidéo

Séraphin Rwabukumba nie le génocide contre les Tutsi au Rwanda

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 07 mai 1996

Enregistré deux ans après le génocide des Tutsi au Rwanda, cet entretien donne la parole à Séraphin Rwabukumba, demi-frère d’Agathe Kanziga, épouse du président rwandais Juvénal Habyarimana en 1994. Accusé d’avoir participé à la planification du génocide des Tutsi, l’homme d’affaires réfugié en Belgique se défend et se fait l’écho de la propagande génocidaire.

Niveaux et disciplines

Ressources pédagogiques utilisant ce média

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Générique :
Floquet Michel (Journaliste), Monnet Jean-François (Journaliste)
Date de diffusion du média :
07 mai 1996
Production :
@ 1996 -  Télévision Française 1
Page publiée le :
09 juil. 2024
Modifiée le :
12 juil. 2024
Référence :
00000006126

Contexte historique

Par Timothée Brunet-Lefèvredocteur en études politiques de l'EHESS )

Dans les années 1990 au Rwanda, le pouvoir est affaire de réseaux. Autour du président Juvénal Habyarimana et de son épouse, Agathe Kanziga, gravite l’akazu, la « petite maisonnée » composée de leurs proches familiers et alliés politiques. On y trouve les autorités politico-financières responsables de la création des milices armées et du financement des médias extrémistes, à l’image du journal Kangura et de la Radio-Télévision libre des mille collines (RTLM) ; deux organes de presse ayant diffusé des appels à la haine contre les Tutsi notamment pendant le génocide, d’avril à juillet 1994. 

L’influence de ce groupe de notables a été décisive dans l’élaboration des massacres. Mais, au début de l’été 1994, face à l’avancée de la rébellion menée par le Front patriotique rwandais (FPR) – un mouvement politique et militaire opposé au régime du président Juvénal Habyarimana puis au gouvernement génocidaire –, les forces gouvernementales et les membres de l’akazu ont pris la fuite vers le Zaïre (ancien nom de la République démocratique du Congo). Certains ont très vite trouvé refuge en France et en Belgique. Depuis l’étranger, les mêmes ont cherché à poursuivre la guerre en soutenant financièrement et matériellement les militaires et miliciens hutu installés à la frontière entre le Zaïre et le Rwanda, dans d’immenses camps de réfugiés dont certains étaient de véritables bases arrière. 

Depuis ces camps, des incursions militaires ont été menées contre le Rwanda, dans l’espoir de renverser le nouveau gouvernement fondé par le FPR en juillet 1994. Toutefois, ces tentatives ont été stoppées net avec l’intervention des armées rwandaise et ougandaise pour soutenir les rebelles congolais de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) face au président zaïrois Mobutu Sese Seko, entre la fin de l’année 1996 et le printemps 1997. Les camps de réfugiés ont été violemment démantelés par le FPR. Les suspects de génocide, comme les centaines de milliers de réfugiés hutu qui s’y trouvaient, ont été rapatriés au Rwanda pour y être jugés.

Éclairage média

Par Timothée Brunet-Lefèvredocteur en études politiques de l'EHESS )

Cet extrait est issu de l’émission Le Droit de savoir, un magazine d’investigation bimensuel diffusé sur TF1 de 1990 à 2008. Il est tiré d’un reportage de mai 1996 portant sur les responsables du génocide réfugiés en Europe. Séraphin Rwabukumba est présenté comme l’un d’eux : demi-frère de l’épouse du président Habyarimana, cet ancien responsable d’une société d’import-export dans les années 1990 et fonctionnaire au sein de la Banque nationale du Rwanda a été un acteur important du financement du régime. Il a été accusé d’avoir participé à l’armement des « escadrons de la mort », groupes de tueurs liés à l’akazu (le cercle rapproché du couple présidentiel). 

Au moment de cet entretien, en 1996, soit deux après les massacres contre les Tutsi, les anciens caciques du génocide vivent un moment charnière : alors que les premières enquêtes viennent seulement de débuter, ils espèrent encore reprendre le pouvoir au Rwanda. Le discours de Séraphin Rwabukumba est construit sur deux points : d’un côté, il nie son implication dans les massacres et, de l’autre, il conteste l’existence d’un génocide contre les Tutsi, en rejetant toute responsabilité sur le FPR – un mouvement politique et militaire opposé au régime du président Juvénal Habyarimana puis au gouvernement génocidaire. Son propos n’est pas tant un discours de défense – la perspective d’un procès étant incertaine – qu’une réécriture de l’histoire.

Le journaliste de TF1 donne la parole à l’intéressé, en le confrontant aux accusations qui pèsent sur lui, sans pour autant lui apporter contradiction. Séraphin Rwabukumba nie en bloc et ironise : accusé d’avoir planifié le génocide, il parle de « rumeurs » infondées, expliquant que le juge d’instruction belge chargé d’une enquête « n’a rien trouvé ». Le génocide, selon l’homme d’affaires, était en réalité un « massacre interethnique », expression qui renvoie dos à dos Hutu et Tutsi, niant le ciblage systématique des Tutsi en 1994. 

Séraphin Rwabukumba va jusqu’à réhabiliter les médias propagandistes : la RTLM livrait « la vérité nue » sur le FPR, qu’il accuse d’avoir voulu commettre des massacres au Rwanda. Ici, les dénégations de l’homme d’affaires se construisent sur le retournement de l’accusation de génocide contre le FPR et, par association, contre les Tutsi ; autre argument classique de la propagande « Hutu Power » (idéologie prônant la suprématie des Hutu contre les Tutsi) élaboré dès le début de la guerre civile, en octobre 1990. Cette « accusation en miroir » est constitutive du discours négationniste alimenté par les extrémistes hutu avant, pendant et après le génocide des Tutsi de 1994, jusqu’à aujourd’hui.

Lieux

Thèmes

Sur le même thème