Quel est le « pari » de Blaise Pascal ?

C’est probablement son idée la plus célèbre. Nous aurions toujours intérêt à croire en Dieu car il y aurait tout à gagner si son existence était avérée et rien à perdre si ce n’était pas le cas. Comme l’écrit Pascal dans ses Pensées : Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter.

Historiquement, de nombreux théologiens ou philosophes chrétiens ont proposé des preuves de l’existence de Dieu. Au XIe siècle notamment, Anselme de Cantorbéry élabore un argument ontologique, largement repris jusqu’à l’époque de Pascal, et notamment développé par Descartes dans ses Méditations métaphysiques (1641). S’il prend différentes formes à travers l’histoire, ce raisonnement consiste toujours à déduire l’existence de Dieu de la définition qu’on en donne. Nous concevons Dieu comme quelque chose de parfait, avance par exemple Descartes. Or une entité qui n’existe pas serait imparfaite. Par conséquent, Dieu existe nécessairement.

Ce type d’argumentation relève du genre apologétique chrétien, en vogue au XVIIe siècle. Elle consiste en une défense rationnelle des dogmes bibliques. Dans ce cadre, l’originalité de Pascal est de peu s’appuyer sur les textes religieux ou sur des raisonnements pouvant être dénoncés comme trop abstraits. Pascal ne cherche même pas à démontrer l’existence de Dieu. De son point de vue, celui-ci est avant tout sensible au cœur et non à la raison. Croire est acte de foi bien avant d’être la conclusion d’une réflexion.

Dieu : quelle probabilité ?

L’objectif de Pascal est bien plutôt de convaincre les esprits libéraux et sceptiques de son temps.

Autrement dit, son tour de force est d’avoir su proposer un argument à même de convaincre les personnes se réclamant du rationalisme et penchant pour cette raison vers une forme d’athéisme. Si vous allez au bout de vos calculs et de votre réflexion, leur dit en substance Pascal, vous devez admettre qu’il est plus raisonnable de croire en Dieu.

Lorsqu’il écrit ses Pensées sur le sujet, Pascal a fréquenté les cercles aisés et les amateurs de jeux d’argent. Ses réflexions jetteront par ailleurs les bases du calcul des probabilités en mathématiques. Il est donc révolutionnaire – et un peu scandaleux à l’époque – d’appliquer une telle grille de lecture probabiliste, valorisant un calcul d’intérêt à des questions théologiques. Pascal sera cependant peu attaqué, dans la mesure où son raisonnement le conduit à défendre la croyance en Dieu.

Sur un plan strictement formel, l’argumentation peut être considérée comme irréfutable. Des philosophes comme Nietzsche souligneront néanmoins que croire en Dieu a d’autres conséquences, pouvant être jugées préjudiciables, sur la façon dont on pense et dont on vit. Aujourd’hui, le pari de Pascal reste toutefois considéré comme l’une des premières grandes réflexions en théorie de la décision – un champ d’étude à la croisée de nombreuses disciplines (économie, psychologie, statistiques…) qui a pour but de rationaliser la prise de décision.