Les manifestations musulmanes du 17 octobre 1961

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 25 oct. 1961 | Date d'Ă©vènement : 17 oct. 1961

Le 17 octobre 1961, une manifestation de musulmans de Paris organisée par le FLN subit une violente répression.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Les Actualités françaises
Date de l'Ă©vènement :
17 oct. 1961
Date de diffusion du mĂ©dia :
25 oct. 1961
Production :
INA
Page publiĂ©e le :
2003
ModifiĂ©e le :
29 juin 2023
RĂ©fĂ©rence :
00000000080

Contexte historique

Par Eve Bonnivard

Le 5 octobre 1961, le prĂ©fet de police Maurice Papon dĂ©crète la fermeture dès 19 heures des dĂ©bits de boisson frĂ©quentĂ©s par les AlgĂ©riens : c'est un couvre-feu dĂ©guisĂ©. Cette dĂ©cision intervient dans le contexte de la "bataille de Paris", menĂ©e depuis 1958 par le prĂ©fet de police contre la FĂ©dĂ©ration de France du FLN, responsable de nombreux attentats contre des objectifs Ă©conomiques, militaires et politiques en France. Pour protester contre cette mesure discriminatoire, la FĂ©dĂ©ration de France du FLN appelle Ă  une manifestation pacifique pour le 17 octobre.

Cette manifestation donne lieu de la part des services de police, sous la responsabilité de Maurice Papon, à une "ratonnade" dont on a su, depuis, qu'elle a fait plus de 200 morts et près de 2300 blessés. La police tire sur la foule boulevard Bonne-Nouvelle et jette des manifestants à la Seine, avant d'en parquer des centaines dans des camps d'internements provisoires où ils sont parfois battus à mort. La polarisation des polémiques sur les crimes du FLN et des extrémistes européens d'Algérie explique en partie le très faible impact sur l'opinion de cette monstrueuse "ratonnade" par ailleurs largement escamotée par la presse. Le 17 octobre au soir, le journal de la RTF ne dit pas un mot de la manifestation. Elle "nous avait été présentée comme un simple fait divers", raconte aujourd'hui Joseph Pasteur, qui présentait à l'époque le journal télévisé. "Pour expliquer l'absence de reportages, il faut se rappeler que nous étions en pleine guerre d'Algérie et que la télévision était placée sous la férule personnelle du général de Gaulle, qui en avait fait son porte-voix".

A la Chambre des dĂ©putĂ©s pourtant, Claudius-Petit s'Ă©lève dès le 30 octobre contre la rĂ©pression policière : "La bĂŞte hideuse du racisme est lâchĂ©e", tonne-t-il. Le ministre de l'IntĂ©rieur, Roger Frey, rĂ©pond qu'"il n'a pas le moindre commencement d'une ombre de preuve des accusations portĂ©es contre la police". Le prĂ©fet de police, Maurice Papon, dĂ©clare devant le conseil municipal : "La police parisienne a fait ce qu'elle devait faire". Gaston Defferre demande au SĂ©nat une commission d'enquĂŞte, Ă  laquelle aucune suite n'est donnĂ©e.

Éclairage média

Par Eve Bonnivard

Les Actualités Françaises passent sous silence les violences subies par les "Français musulmans d'Algérie". Seules sont évoquées les méthodes policières "avouables", arrestations et reconduites à la frontière. Ce reportage ne se contente pas de fermer les yeux sur la ratonnade, il distille un climat de peur, légitimant de manière indirecte la répression policière.

En effet, la musique est inquiĂ©tante, la voix du commentateur grave et l'accent est mis sur l'importance du dispositif policier, laissant accroire le caractère dangereux de la manifestation, alors que son pacifisme Ă©tait manifeste : des femmes et des enfants ne dĂ©filaient-ils pas en nombre ? En outre, il n'est nullement fait mention du motif de la manifestation. Ces ommissions volontaires posent la question de l'indĂ©pendance de la tĂ©lĂ©vision ? Oui et non. Les ActualitĂ©s Françaises constituent un moyen de communication de masse en temps de guerre. La presse dans son ensemble a acceptĂ© le bilan de la police (2 morts algĂ©riens et 78 blessĂ©s).

Seuls certains journaux et périodiques, bravant les saisies, font état de la vérité. Le Monde reste prudent, mais Libération, France-Observateur, L'Express, Témoignages et documents, Vérité-Liberté et Le Monde libertaire donnent une relation assez précise des faits. Cependant, alors que la Seine n'en finit pas de rejeter des corps et que le bilan est de plus en plus ouvertement contesté, le souvenir du 17 octobre 1961 est de toute façon vite occulté par l'action de l'OAS et le drame du métro Charonne. Il faudra attendre le 17 octobre 1985 pour que cette manifestation soit à nouveau évoquée à la télévision à l'occasion d'une commémoration de ce drame par SOS-Racisme. Après la publication, en 1991, du livre de Jean-Luc Einaudi, La Bataille de Paris, 17 octobre 1961 (Points Seuil) et de celui d'Anne Tristan, Le Silence du fleuve (EMAF), la télévision française fait œuvre de mémoire. Depuis dix ans, de nombreux documentaires ont été réalisés sur le sujet.

A lire aussi :

Ratonnades à Paris, de Paulette Péju, préface de Pierre Vidal-Naquet et postface de François Maspéro, La Découverte, coll. Poche essais.

17 octobre 1961, un crime d'Etat, Olivier Le Cour Grandmaison (dir.), La Dispute Editeurs.

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