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Laïcité, 30 ans de fracture à gauche

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 28 oct. 2020

Ce documentaire retrace les 30 années, depuis l'affaire du voile à Creil, qui ont fracturé la gauche sur le thème de la laïcité. À travers des images d'archives et des témoignages de personnalités, le film décrit la fracture qui aboutit à ce que Manuel Valls qualifiera de gauches irréconciliables. Avec Élisabeth Badinter, Manuel Valls, Philippe Val, Jean-Luc Mélenchon, Jean Glavany, Stéphane Pocrain, Mimouna Hadjam, Edwy Plenel, Jean-Louis Bianco, Marie-George Buffet et Caroline Fourest.

Niveaux et disciplines

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Réalisation :
Pallier Pauline
Date de diffusion du média :
28 oct. 2020
Production :
@ 2020 -  Institut national de l'audiovisuel  |  La Chaine Parlementaire-Assemblée Nationale
Page publiée le :
08 oct. 2021
Modifiée le :
26 juil. 2023
Référence :
00000004363

Contexte historique

Par L'équipe Lumni Enseignement

La loi de séparation des Églises et de l’État, adoptée le 9 décembre 1905, fonde la laïcité « à la française ». Âprement débattue dans un contexte de fortes tensions avec l’Église catholique, cette loi consacre une conception libérale de la laïcité. Ainsi, si l’État ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte (article 2), il assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes (article 1).

En 1989 éclate l’« affaire du foulard » de Creil : les enseignants d’un collège de Creil refusent en cours trois adolescentes musulmanes en raison du « foulard » qu’elles portent, estimant qu’il s’agit d’un signe religieux qui n’a pas sa place à l’école. Massivement médiatisée, cette « affaire » déclenche une polémique majeure en France dans le monde intellectuel et politique, polémique portant à la fois sur la place des signes religieux à l’école, mais aussi plus largement sur la place de l’Islam dans la société française et sur l’intégration des populations immigrées. Le gouvernement sollicite le Conseil d’État qui estime, dans un arrêt du 27 novembre 1989, que le port de signes religieux n’est pas, par lui-même, incompatible avec le principe de laïcité, sous réserve qu’il ne constitue pas un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande

Toutefois, la décision du Conseil d’État ne met pas fin à la polémique, d’autant que le choix de déterminer si le port d’un signe religieux est acceptable ou non est renvoyé à chaque établissement. En juillet 2003, le président de la République Jacques Chirac décide donc de créer une commission (dite « commission Stasi ») pour réfléchir sur l’application du principe de laïcité dans la République. Cette commission suggère dans son rapport que l’État réaffirm[e] des règles strictes et propose l’adoption d’une nouvelle loi sur la laïcité. L’année suivante (2004) est adoptée une loi interdisant dans les établissements publics le port de signes ou tenues […]  manifest[a]nt ostensiblement une appartenance religieuse.

En septembre 2005, le monde médiatique danois est plongé dans un intense débat sur la liberté de la presse et l’autocensure que pratiqueraient certains journalistes, notamment en ce qui concerne l’Islam : le journal danois Jyllands-Posten publie en réaction douze caricatures de Mahomet dans l’une de ces éditions. Jugées offensantes par certains musulmans danois et certains États étrangers, ces caricatures provoquent d’importantes protestations et manifestations. Les tensions sont encore aggravées par des manipulations ajoutant aux dessins originels du Jyllands-Posten d’autres caricatures qui n’avaient jamais été publiées et représentant par exemple Mahomet en pédophile. Afin de soutenir leurs collègues, les journalistes de Charlie Hebdo décident de publier à leur tour les caricatures danoises complétées d’autres réalisées par les dessinateurs du journal satirique français. Les attaques contre les rédactions européennes ayant publié les caricatures se multiplient, des tentatives d’assassinat du dessinateur danois Kurt Westergaard à l’attentat perpétré contre les locaux de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, dans lequel douze personnes trouvent la mort. 

Sur la question de la laïcité, la gauche française (et la société dans son ensemble) apparaît aujourd’hui profondément divisée ; on peut distinguer très schématiquement deux tendances, même si de nombreuses positions plus nuancées existent évidemment. Certains estiment que la France est menacée par une frange prosélyte et intégriste de la communauté musulmane ; les remises en cause de la laïcité constitueraient un moyen de s’attaquer aux fondements de la République (comme la liberté d’expression ou l’égalité entre les hommes et les femmes). D’autres considèrent plutôt que la défense d’une laïcité intransigeante constitue en réalité une attaque dirigée contre la seule religion musulmane et masque donc une forme de racisme dirigée contre les musulmans ou les immigrés.

Éclairage média

Par L'équipe Lumni Enseignement

Ayant pour but de mettre en lumière les divisions de la gauche française sur la question de la laïcité, ce documentaire de Thomas Legrand (journaliste à France Inter) et Pauline Pallier (monteuse et réalisatrice) est essentiellement constitué d’entretiens, et d’une voix off. Entrecoupés de quelques images d’archives (généralement de très courts extraits de journaux télévisés ou de débats à l’Assemblée Nationale), ces entretiens répondent à un dispositif scénique identique : les personnalités interrogées (une dizaine environ) sont assises dans un fauteuil sur un fond noir et filmées généralement de face en assez gros plan. Il s’agit principalement de responsables politiques de premier plan (le président de l’Observatoire de la laïcité Jean-Louis Bianco, le dirigeant de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, l’ancien Premier ministre PS Manuel Valls) ou de figures intellectuelles engagées sur la question de la laïcité (la philosophe Élisabeth Badinter, l’essayiste Caroline Fourest, les journalistes Edwy Plenel et Philippe Val).

Si le choix des figures sollicitées pour le documentaire semble équilibré, le documentaire défend cependant un certain point de vue. D’abord, par la distribution du temps de parole entre les représentants des deux camps, avec, schématiquement, d’un côté celles et ceux qui estiment que la laïcité et donc la République sont de plus en plus remises en cause par certains musulmans, et de l’autre, celles et ceux qui estiment que la défense intransigeante de la laïcité masque une forme d’islamophobie.                                           

Le fait d’aborder successivement les différents débats autour des signes religieux à l’école (affaire de Creil puis commission Stasi), des caricatures de Mahomet, du burkini, de la marche contre l’islamophobie pour finir sur les attentats contre Charlie Hebdo et de Nice peut également donner l’impression que tous ces événements font partie d’une sorte de plan cohérent de long terme pour mettre à bas la République. 

Cependant, la parole de celles et ceux qui ont vécu de près tous ces événements, en tant que responsables politiques, journalistes, ou intellectuels, montre à quel point, pour chacun, il a été – et est parfois encore – difficile de se positionner autour de ces questions. Confrontés aux images d’archives, les personnalités interrogées peuvent, avec le recul, préciser leurs positions de l’époque et celles qui sont les leurs aujourd’hui.

Le documentaire a été diffusé sur la chaîne LCP le 28 octobre 2020, c’est-à-dire quelques jours après l’assassinat de l’enseignant d’histoire-géographie Samuel Paty. Dans ce contexte dramatique, les questions qu’il soulève ont pris une acuité toute particulière.  

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