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Un siècle de ségrégation raciale aux États-Unis, de la guerre de Sécession au début des années 1960

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 06 mai 1963

Le journaliste Pierre Crénesse retrace un siècle de ségrégation envers les Noirs dans les États du sud des États-Unis et de lutte contre celle-ci, depuis la guerre de Sécession jusqu’au début des années 1960.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Date de diffusion du média :
06 mai 1963
Production :
@ 1963 -  Radiodiffusion Télévision Française
Page publiée le :
31 juil. 2023
Modifiée le :
06 déc. 2023
Référence :
00000005540

Contexte historique

Par Christophe GracieuxProfesseur agrégé en classes préparatoires littéraires au lycée Watteau de Valenciennes )

En 1865, à l’issue de la guerre de Sécession remportée par le Nord, l’esclavage est aboli dans l’ensemble des États-Unis par le 13ᵉ amendement de la Constitution. Deux ans auparavant, le président des États-Unis Abraham Lincoln avait déjà proclamé l’abolition de l’esclavage dans les États confédérés. Puis, en 1866, le Congrès garantit, par le 14ᵉ amendement, la citoyenneté des anciens esclaves. Et en 1869, le 15e amendement interdit de dénier ou de restreindre le droit de vote pour des raisons de race, couleur ou de condition antérieure de servitude. Les anciens esclaves peuvent désormais voter.

Toutefois, les Noirs sont progressivement exclus de la vie sociale et politique dans les États du Sud. Ils se voient en effet imposer un système légal de ségrégation : il s’agit d’imposer le principe strict de la séparation sociale entre Noirs et Blancs. Ainsi, entre 1890 et 1917, la ségrégation devient légale dans les États du Sud avec l’adoption des lois Jim Crow : les Noirs sont interdits de fréquenter les mêmes transports publics, écoles, restaurants, hôpitaux, parcs, plages ou bibliothèques que les Blancs. La ségrégation est même légalisée au niveau fédéral en 1896 : l’arrêt de la Cour suprême « Plessis contre Ferguson » établit la doctrine séparés, mais égaux, déclarant que la ségrégation est constitutionnelle si des conditions égales sont offertes à chaque race.

La ségrégation dans les lieux publics s’accompagne également de l’exclusion politique des Noirs en dépit du 15ᵉ amendement. Plusieurs subterfuges sont en effet mis en place par les suprémacistes blancs dans les États du Sud pour exclure les Noirs du vote : clauses de résidence et de cens (redevance) ou tests d’alphabétisation. La Louisiane impose même la clause du grand-père : elle réserve le droit de vote à ceux dont le grand-père pouvait voter avant 1860, excluant donc les descendants d’esclaves. Presque tous les électeurs noirs se trouvent ainsi empêchés de voter. En outre, les lynchages racistes se multiplient à partir des années 1890, perpétrés notamment par le Ku Klux Klan. La ségrégation et la violence raciste conduisent à une forte émigration des Noirs du Sud vers les grandes villes du Nord. La population noire de Chicago passe par exemple de 44 000 personnes en 1910 à 234 000 en 1930. 

Après la Seconde Guerre mondiale, la ségrégation est progressivement remise en cause. En 1948, elle est abolie dans l’armée des États-Unis. Surtout, le 17 mai 1954, l’arrêt de la Cour Suprême « Brown contre le Conseil de l’Éducation » déclare anticonstitutionnelle la ségrégation des écoles publiques. Cependant, plusieurs États du Sud refusent cette déségrégation scolaire et y font obstacle. Au début des années 1960, moins de 1 % des enfants noirs du Sud sont scolarisés dans des écoles intégrées. Le mouvement pour les droits civiques conduit par des militants noirs naît en 1955 à la suite du refus de Rosa Parks de céder sa place à un Blanc dans un bus de Montgomery (Alabama). Ce premier combat contre la ségrégation dirigé par le jeune pasteur Martin Luther King est couronné de succès : en 1956, la Cour suprême autorise les passagers noirs à s’asseoir où ils le souhaitent dans les transports en commun des États-Unis. Puis, en 1957, Martin Luther King et d’autres pasteurs fondent la Southern Christian Leadership Conference, organisation prônant la désobéissance civile et non-violente. Les militants des droits civiques s’attaquent alors à la ségrégation par des marches pacifiques et des sit-in. De même, en 1961, ils organisent des « voyages de la liberté » (Freedom rides) : ils consistent à faire voyager en bus de jeunes Noirs et Blancs dans les États ségrégationnistes du Sud.

Cette lutte porte ses fruits. En 1961, la Commission du commerce inter-États impose la déségrégation définitive des transports. Puis, en 1964, le Civil Rights Act interdit toute forme de discrimination et ségrégation dans les lieux publics.

Éclairage média

Par Christophe GracieuxProfesseur agrégé en classes préparatoires littéraires au lycée Watteau de Valenciennes )

Consacré au problème racial aux États-Unis, ce long sujet a été diffusé dans le journal télévisé de 20 heures de la Radiodiffusion-télévision française (RTF) le 6 mai 1963. Il a été réalisé dans le contexte de la campagne de Birmingham : depuis le 3 avril 1963, Martin Luther King et la Southern Christian Leadership Conference menaient une campagne de dénonciation de la ségrégation dont étaient victimes les Noirs de cette ville de l’Alabama. Trois jours avant la diffusion du sujet, le 3 mai 1963, une manifestation réunissant des adultes, mais aussi des adolescents et des enfants avait été violemment réprimée par la police.

Le présent sujet a été réalisé par Pierre Crénesse, ancien correspondant permanent de la RTF aux États-Unis durant quatorze ans (1948-1962). Le journaliste évoque d’ailleurs dans le sujet son expérience personnelle sur place, ayant vécu au cœur même de ce drame. Il s’était fait connaître en août 1944, au moment de la Libération de Paris : dans la soirée du 20 août 1944, il avait été le tout premier speaker de la Radiodiffusion française mise en place par des résistants. Contraint à quatre ans de clandestinité par la législation antisémite du régime de Vichy, il avait alors fait cette simple annonce : « Ici Radiodiffusion de la nation française. » 

Le sujet proposé par la RTF le 6 mai 1963 retrace l’histoire de la ségrégation raciale subie par les Noirs dans les États du sud des États-Unis depuis la guerre de Sécession, ainsi que celle de la lutte contre cette ségrégation. Rétrospectif, il se compose uniquement d’images d’illustration du commentaire de Pierre Crénesse. Par exemple, des plans d’une réunion nocturne du Ku Klux Klan, filmés à une époque inconnue, ne sont pas commentés en tant que tels, mais servent seulement à illustrer le commentaire de Pierre Crénesse sur les lynchages racistes. Les images comprises dans le sujet sont de différentes formes : documents iconographiques : photographies, gravures), images factuelles anciennes ou récentes, cartes du territoire des États-Unis. Pierre Crénesse apparaît lui-même longuement à l’écran (environ 1 minute 40 sur les 7 minutes et 53 secondes du sujet). Et il n’hésite pas à donner son avis. Par exemple, évoquant l’Alabama, le Mississippi et la Caroline du Sud qui continuent de résister à la déségrégation, il déclare : Ils cèderont comme les autres.

Mais ce sujet a surtout une visée pédagogique : expliquer le plus clairement possible la ségrégation et la lutte contre celle-ci. C’est dans cette optique que Pierre Crénesse cite plusieurs exemples de recours à l’armée par le pouvoir fédéral afin de faire respecter la Constitution. L’évocation de Little Rock fait référence à l’envoi en septembre 1957 de l’armée fédérale dans cette ville de l’Arkansas par le président Dwight D. Eisenhower pour forcer les autorités locales à appliquer la déségrégation scolaire : les soldats sont venus protéger un groupe de neuf élèves noirs dans l’enceinte de la Little Rock Central High School. L’évocation d’Oxford fait quant à elle référence à l’envoi de l’armée dans cette ville de Mississippi en octobre 1962 afin de permettre à l’étudiant afro-américain James Meredith de pouvoir suivre les cours à l’université.

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