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Qui était Rosa Parks ?

Copyright de l'image décorative: © National Archives of the USIA

Par Véronique Chalmetécrivaine et journaliste spécialisée en histoire
Publication : 28 août 2023 | Mis à jour : 19 déc. 2023

Niveaux et disciplines

Le 1er décembre 1955, une femme de 42 ans rentre chez elle après une rude journée de travail, à Montgomery (Alabama). Rosa Parks s’assied à l'arrière du bus, dans la section réservée aux Noirs. Au fil des arrêts, le véhicule se remplit, la partie avant réservée aux Blancs est bondée. Le chauffeur stoppe et décide de déplacer le panneau qui marque la séparation, intimant brutalement aux Noirs assis de céder leur place aux Blancs. « Bouge, la négresse ! » ordonne-t-il à Rosa, qui refuse de se déplacer. « Je suis fatiguée », gronde-t-elle. Ce n'est pas uniquement son travail de couturière qui l'épuise, c'est le racisme quotidien qu'elle ne supporte plus. Le chauffeur, main sur la crosse du revolver qu'il porte à la ceinture, fait intervenir la police. Entre brimades et insultes, elle reste plusieurs heures en cellule et doit payer une amende de 14 $. Inculpée pour trouble à l'ordre public et violation des lois ségrégationnistes locales, elle risque l'emprisonnement. Mais Rosa tient bon. Elle pense à Emmett Till : quatre mois plus tôt, cet adolescent noir de 14 ans a été torturé à mort et lynché. Ses meurtriers ont été acquittés. Rosa Parks milite depuis plus de vingt ans à la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People / Association nationale pour la promotion des gens de couleur) qui défend les droits civiques. En septembre 1944, elle s'est même rendue en Alabama pour enquêter sur le cas Recy Taylor, une femme noire enlevée à la sortie de son église et violée par six Blancs sans qu'aucune charge ne soit retenue contre eux. Rosa Parks n'en peut plus de ces insoutenables violences. Elle a décidé d'agir. La police lui permet, selon la loi, de passer un coup de fil. Elle appelle l’avocat de la NAACP, Edgar Nixon, qui mobilise un avocat blanc antiségrégationniste, Clifford Durr. Dans les heures qui suivent, un groupe de militants se mobilise autour d’un jeune pasteur alors peu connu, Martin Luther King Jr. L'injustice subie par Rosa Parks, c'est l'humiliation de trop ! Elle devient le symbole de la rébellion contre le racisme.

Les membres du NAACP organisent la désobéissance civile et décident de boycotter les bus de Montgomery. Des Blancs opposés à la ségrégation rejoignent le mouvement. Les insurgés vont travailler à pied, à vélo ou dans des taxis conduits par des chauffeurs noirs qui réduisent leurs tarifs au prix d'un ticket de bus. Menaces de mort et attentats se multiplient contre Rosa et ses défenseurs. Mais le boycott dure, coûte que coûte, 381 jours. Il provoque un retentissement national qui relance le débat sur la ségrégation. 

Sous la pression des militants des droits civiques, la Cour suprême annule la ségrégation dans les bus de l'Alabama le 13 novembre 1956. Rosa Parks entre dans l'histoire comme « la femme qui a dit non ».

Une vie d'engagement

Née le 4 février 1913 dans la ville de Tuskegee, en Alabama, elle a été confrontée dès l'enfance aux violences raciales. À 12 ans, elle est scolarisée dans une école près de Montgomery que le Ku Klux Klan va incendier deux fois. Sa famille vit dans la terreur du lynchage. Son grand-père maternel reste éveillé la nuit par peur des attaques du Klan. Il transmet à Rosa ce message : « Ne baisse jamais les bras devant l’injustice ! » En 1932, à 19 ans, elle épouse Raymond Parks, barbier et activiste comme elle du mouvement des droits civiques. Tous deux collectent des fonds pour aider les « Scottsboro Boys », neuf adolescents faussement accusés de viols sur deux femmes blanches. Toute la vie de Rosa Parks est une longue lutte contre l'injustice. Elle sait que le boycott des bus de Montgomery est lourd de sens et d'implications : « Je vais marcher aujourd’hui pour que mes petits-enfants prennent demain l’autobus sans avoir à être humiliés », dit-elle alors.

Le verdict de la Cour suprême en 1956 – la ségrégation dans les transports publics est considérée comme anticonstitutionnelle – est une victoire pour la communauté, mais Rosa et les siens en payent le prix. Son mari et elle perdent leur emploi, ils doivent déménager à Detroit (Michigan) en 1957 pour fuir harcèlement et menaces. Toujours militante, elle s’engage en politique dans l'équipe du représentant démocrate du Michigan, l'Afro-Américain John Conyers.

En 1996, Rosa Parks reçoit la médaille de la liberté – la plus haute décoration civile des États-Unis – des mains du président Bill Clinton.

 

« Lorsqu’elle s’est assise dans l’autobus, elle s’est mise debout pour les idéaux américains d’égalité et de justice et elle a exigé que nous en fassions tous de même », déclare alors le président Bill Clinton. 

Icône des droits civiques, elle meurt à 92 ans le 24 octobre 2005. Des funérailles nationales sont organisées pour lui rendre hommage. Les drapeaux fédéraux de tout le pays sont mis en berne le jour de son enterrement.

Pour aller plus loin

• « Mississippi Goddam » : Nina Simone et le mouvement pour les droits civiques. Cette piste pédagogique en anglais s'adresse aux lycéens. Une première vidéo permet de découvrir la vie de Nina Simone, puis une seconde vidéo invite à étudier les paroles de la chanson « Mississippi Goddam ». Ce travail permettra aux élèves de faire des recherches sur le Civil Rghts Movement, le mouvement pour les droits civiques aux États-Unis.

• La marche sur Washington pour l'emploi et la liberté du 28 août 1963, encore appelée marche pour les droits civiques, marque un tournant décisif dans la lutte pour les droits civiques des Noirs, cent ans après l'abolition de l'esclavage par Abraham Lincoln (1809-1865), le 18 décembre 1865. 

 

• Ce mercredi 28 août 1963, à 16 heures, le pasteur Martin Luther King s'avance devant le micro pour conclure la marche sur Washington. Il se lance et détaille ses aspirations pour une Amérique où Blancs et Noirs auraient les mêmes droits : « Je fais un rêve... », scande-t-il...

 

• Si la journée de mobilisation pour les droits civiques des Noirs aux États-Unis de l'été 1963 a ouvert la voie à l'intégration raciale, dans les faits, l'égalité de tous les citoyens américains reste un idéal difficile à atteindre. Ségrégation dans les lieux publics, mariages mixtes, droits de vote, violences policières... Quelles avancées réalisées ? Quels combats reste-t-il à mener ?

 

• Enfant, sa mère lui disait : « Jamais tu ne dois avoir le sentiment que tu vaux moins que quiconque. » Alors, une fois adulte, Martin Luther King, porté par cette phrase, s'est battu à son tour pour que les Noirs, au sud des États-Unis comme au nord, aient les mêmes droits que les Blancs. Retour sur le parcours exceptionnel d'un homme qui a tout fait pour que son rêve – celui d'une Amérique plus égalitaire et plus juste – devienne réalité.

Niveaux: Cycle 4 - Lycée général et technologique - Lycée professionnel

Qui était Martin Luther King ?

 

• Le 6 décembre 1865, après plusieurs années de guerre civile, le 13e amendement de la Constitution des États-Unis supprime l'esclavage dans tout le pays. Mais il ne suffisait pas d'émanciper les esclaves, encore fallait-il prévoir leur intégration dans la société américaine... Des premières lois limitant les droits civiques et les libertés fondamentales des Noirs américains aux années 1960, retour sur cent ans de ségrégation aux États-Unis, un mal qui continue insidieusement de diviser la société américaine.

 

• De l'arrivée du premier bateau négrier en Virginie en 1619 à l'assassinat de Martin Luther King en 1968, retour sur 150 ans de relations entre Noirs et Blancs aux États-Unis et sur la lutte pour les droits civiques.

 

• L'épisode de La Grande Explication consacré à l'assassinat de Martin Luther King revient sur le parcours du pasteur et sur le célèbre discours qu'il a prononcé lors de la marche sur Washington.

Date de la vidéo: 2018 Collection:  - La Grande Explication

L'assassinat de Martin Luther King

 

• À consulter également :

Visuel du mouvement des droits civiques aux États-Unis - Lumni.fr

Retrouvez également le dossier édité par lumni.fr sur le mouvement des droits civiques aux États-Unis. Il revient sur le parcours d'artisans de la liberté comme Martin Luther King, Rosa Parks ou Malcom X.

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