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Léo Ferré chante L'Affiche rouge

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 04 déc. 1989

Extrait de la chanson L'Affiche rouge composée et chantée par Léo Ferré, sur un poème de Louis Aragon, Strophes pour se souvenir, écrit en 1955 en hommage aux immigrés résistants FTP-MOI.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Date de diffusion du média :
04 déc. 1989
Production :
RADIO FRANCE
Page publiée le :
14 sept. 2023
Modifiée le :
15 févr. 2024
Référence :
00000005651

Contexte historique

Par Raphaëlle BellonResponsable des activités pédagogiques de la Fondation de la Résistance )

Fin 1943, les Brigades spéciales arrêtent, au terme d’une filature de plusieurs mois, la majorité des FTP-MOI (Francs-tireurs partisans - Main-d’œuvre immigrée) de la région parisienne. Ces FTP-MOI s’étaient constitués pendant l’année 1942, dans le sillage de la création des Francs-tireurs et partisans, pour accueillir les étrangers, nombreux à rejoindre la lutte après que le Parti communiste a fait le choix, en août 1941, de la lutte armée.

Le procès de 23 des FTP-MOI, dont le résistant d’origine arménienne Missak Manouchian, se tient du 15 au 19 février 1944. Tous sont fusillés au Mont-Valérien le 21 février 1944, sauf Olga Bancic, décapitée en Allemagne.

À l’occasion de ce procès et de cette exécution, les Allemands déploient une intense campagne de propagande pour salir leur image et, avec eux, celle de la Résistance, de plus en plus populaire. Des tracts les présentant comme l’Armée du crime sont diffusés dans toute la France ; des images d’un reportage réalisé par les Allemands à la prison de Fresnes – où étaient internés les membres du groupe Manouchian – sont diffusées dans les cinémas ; enfin, une affiche, passée à la postérité sous le nom d’« Affiche rouge » (en raison de sa couleur dominante, qui doit rappeler le sang versé par les accusés et aussi le Parti communiste), est placardée sur les murs de Paris et des grandes villes de France.

Avec cette affiche, la Résistance est associée aux étrangers, aux Juifs et aux communistes alors que l’idéologie nazie met en avant le péril judéo-bolchevique et que Vichy les présente depuis plusieurs années comme « l’anti-France ». Mais l’objectif de cette campagne de propagande est manqué : les réactions d’une partie de la population française sont favorables aux accusés. « L’Affiche rouge » nourrira même leur postérité puisque c’est à partir d’elle (et de la dernière lettre écrite par Missak Manouchian à sa compagne) que Louis Aragon rédigera Strophes pour se souvenir en 1955, à l’occasion de l’inauguration d’une rue à leur nom dans le XXe arrondissement parisien (rue du Groupe-Manouchian).

Ce poème est chanté une première fois par Léo Ferré en 1961 et a été repris par plusieurs chanteurs depuis, le dernier en date étant le groupe Feu ! Chatterton qui l’interprète lors de la panthéonisation de Missak Manouchian le 21 février 2024. Missak Manouchian et les fusillés de l’Affiche rouge sont donc entrés très tôt dans les mémoires même s’ils sont restés longtemps en lisière de celle-ci : le rôle des étrangers dans la Résistance a en effet été reconnu tardivement. Missak Manouchian est panthéonisé en février 2024 : à travers lui, un hommage est rendu à tous les étrangers engagés dans la Résistance.

Éclairage média

Par Raphaëlle BellonResponsable des activités pédagogiques de la Fondation de la Résistance )

Cet extrait reprend la dernière strophe du poème d’Aragon, Strophes pour se souvenir, qui fut d’abord intitulé provisoirement Groupe Manouchian. Le titre retenu insiste sur l’importance du souvenir.

Les premières strophes, que l’on n’entend pas ici, rappellent le combat des 23 fusillés, le placardage de l’Affiche rouge dans les rues et sa réception par les Français (différente de celle attendue par les Allemands). Certains vers sont construits à partir de phrases de la dernière lettre de Missak Manouchian à Mélinée, son épouse.

La strophe de cet extrait, un quintil comme les précédentes, est comme la conclusion du poème. La voix de Léo Ferré, profonde et qui détache précisément les mots, renforce la force de l’hommage rendu par Aragon. L’anaphore du nombre « Vingt-trois » (rappelant le nombre de FTP-MOI fusillés le 21 février), soulignée par la pause que marque Léo Ferré à chaque fois qu’il énonce ce nombre, vient scander la fin du poème et insister sur le petit nombre de FTP-MOI (en fait plus nombreux) en comparaison de ce qu’ils ont accompli : mourir pour la France.

La formulation « les fusils fleurirent », qui peut sembler étonnante, peut rappeler que les FTP-MOI exécutés étaient jeunes et au printemps de leur vie (« morts avant leur temps »), mais elle peut rappeler aussi les fleurs qui recouvrent les tombes ou l’espoir qui refleurit toujours, comme un printemps à venir après l’hiver de l’horreur nazie. Surtout, le poète insiste sur la fraternité qui unit les vivants d’aujourd’hui à ces étrangers morts pour la France (« qui criaient la France en s’abattant ») quand l’Affiche rouge avait voulu les présenter comme des ennemis menaçant la nation. Ce message essentiel du poème est mis en valeur par le ralentissement du rythme à la fin de la chanson et l’insistance portée par le chanteur Leo Ferré sur le mot « France », prononcé plus fort alors que les derniers mots « en s’abattant » sont énoncés avec une voix descendante. Les chœurs que l’on entend tout au long de l’extrait, et de manière plus nette à la fin, comme le roulement de tambour, renforcent l’impression de solennité et de tristesse qui se dégage du poème.

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