Procès des FTP-MOI : l’Affiche rouge, outil de la propagande allemande

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 02 sept. 1976 | Date d'évènement : 1944

Dans l’épisode du 2 septembre 1976 de l’émission Ce jour-là j'en témoigne : Chroniques du temps de l'ombre 1940-1944, consacré à Missak Manouchian et aux 22 autres membres des FTP-MOI jugés en février 1944, Mélinée Manouchian raconte la propagande orchestrée par les Allemands à l’époque du procès.

Niveaux et disciplines

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Chroniques du temps de l'ombre, 1940-1944
Réalisation :
Panigel Armand
Date de l'évènement :
1944
Date de diffusion du média :
02 sept. 1976
Production :
@ 1976 -  Antenne 2
Page publiée le :
29 déc. 2023
Modifiée le :
31 janv. 2024
Référence :
00000005874

Contexte historique

Par Raphaëlle BellonResponsable des activités pédagogiques de la Fondation de la Résistance )

À mesure que la guerre se prolonge, la Résistance gagne de plus en plus de soutien de la part de la population française, notamment à partir de 1942-1943. Ce soutien est essentiel, qu’il prenne la forme d’un silence complice ou d’une aide matérielle (logement, vêtements, nourriture) dans un contexte de répression accrue et de pénurie. Les Allemands, comme le gouvernement de Vichy, orchestrent – via la presse, la radio, des campagnes d’affichage – une propagande visant à décrédibiliser la Résistance, pour tenter de la couper de la société. Elle présente les résistants et résistantes comme des terroristes, des bandits.

Alors que se déroule le procès de Missak Manouchian et de 22 autres Francs-tireurs et Partisans de la main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) de la région parisienne en février 1944, l’occupant allemand lance une campagne de propagande particulièrement sophistiquée. C’est dans ce contexte qu’est placardée à Paris et dans certaines villes de province « l’Affiche rouge ». La couleur de cette affiche rappelle à la fois l’appartenance politique des accusés (le rouge est la couleur du Parti communiste) et le sang versé lors des actions menées (comme l’exécution de Julius Ritter, responsable du Service du travail obligatoire en France, le STO). Une interrogation rhétorique (Des libérateurs ? Non, la libération par l’armée du crime !) oppose la manière dont se présentent les résistants (luttant pour la libération du territoire) et ce qu’ils sont d’après les autorités allemandes : des criminels. Les photographies au bas de l’affiche, montrant la mort et la destruction, soulignent le propos. Les portraits des 10 hommes présentés – auxquels on rend leur nom, mais pas leur prénom, comme pour les déshumaniser – y figurent. Il s’agit de stigmatiser certaines populations montrées comme intrinsèquement hostiles à la France et d’associer la Résistance aux étrangers, aux Juifs et aux communistes présentés comme étant manipulés par Moscou : on retrouve le péril judéo-bolchevique théorisé par les nazis et « l’anti-France » de Vichy. « L’Affiche rouge » a l’effet inverse à celui recherché, montrant l’audience croissante de la Résistance : la population leur est plutôt favorable (d’après les rapports des Renseignements généraux), la Résistance publie dans ses journaux clandestins des articles de soutien magnifiant leur action.

Éclairage média

Par Raphaëlle BellonResponsable des activités pédagogiques de la Fondation de la Résistance )

Le 2 septembre 1976, dans l’émission Ce jour-là j'en témoigne : Chroniques du temps de l'ombre 1940-1944, le témoignage de Mélinée Manouchian intervient après qu’a été rappelée la propagande orchestrée autour du procès des 23 Francs-tireurs Partisans-MOI (FTP-MOI) qui se tient à Paris du 15 au 18 février 1944, procès où comparaît notamment Missak Manouchian. Articles de presse, « Affiche rouge », brochures dénonçant l’armée du crime, films d’actualités montrées au début des séances de cinéma et utilisant des images de propagande et reprenant les éléments de langage des autorités (attentats, terroristes étrangers presque tous juifs) véhiculent alors la vision de l’occupant.

Mélinée Manouchian est présentée par les auteurs du documentaire comme la veuve de Manouchian, commandant Georges. D’emblée, elle est donc associée à son compagnon de vie, dont l’action en Résistance est rappelée par ce sous-titre. On ne rappelle cependant pas que Mélinée a elle-même été résistante. L’invisibilisation encore forte à l’époque de l’action des femmes dans la Résistance est renforcée par l’aura qui entoure Missak Manouchian.

Mélinée Manouchian explique la manière dont a été orchestrée la propagande autour du procès de Manouchian et des 22 autres FTP-MOI. Les affiches (« l’Affiche rouge », qu’elle ne mentionne pas comme telle tant cela lui semble évident) ont été placardées dans le métro, sur les murs de Paris et d’autres villes, et distribuées sous forme de prospectus. La précision du souvenir, plus de vingt ans après les faits, montre le caractère traumatique de l’événement pour Mélinée.

Tout le monde ne lisant pas la presse ou n’écoutant pas la radio chaque jour (soit par manque d’habitude, soit par lassitude des médias contrôlés), la stratégie retenue par les Allemands permet de toucher un maximum de gens malgré eux. L’affiche est placardée deux mois après dit Mélinée : non « deux mois » après le procès comme le spectateur pourrait le comprendre (l’affiche est diffusée au moment du procès), mais ce qu’elle estime être « deux mois » après l’arrestation de Missak le 16 novembre 1943 (en fait, l’affiche a été placardée trois mois après, lors du procès). Parce qu’elle raconte à partir de ses souvenirs, elle utilise ses propres repères dans le récit (le moment traumatique de la disparition de l’être aimé) et reconstruit les événements à partir de ce qu’elle savait à l’époque : or, elle ignorait le sort de Manouchian à ce moment-là (On ne savait absolument rien au commencement). C’est par la radio, lors d’une heure consacrée à « l’affaire Manouchian », qu’elle apprend le procès de Missak Manouchian et des 22 autres FTP-MOI.

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