ARTICLE

La naissance de la justice internationale : de Nuremberg à La Haye

Copyright de l'image décorative: © AFP

Par L'équipe Lumni Enseignement
Publication : 21 sept. 2021 | Mis à jour : 05 avr. 2024

Niveaux et disciplines

À l'occasion du 75e anniversaire de la clôture du procès de Nuremberg, voici un tour d'horizon des grandes étapes qui ont jalonné la construction de la justice internationale.

     

Présentation

Il y a 75 ans, les 30 septembre et  1er octobre 1946, au procès de Nuremberg, il est fait lecture du verdict aux 24 accusés. Parmi ces hommes - parmi les plus hauts dignitaires du IIIe Reich -, 12 sont condamnés à mort, 7 sont condamnés à des peines de prison, 3 sont acquittés. Le procès de Nuremberg se termine là, presque un an après son ouverture. 

Nuremberg reste dans les esprits comme le procès où est appliquée pour la première fois la notion de « crime contre l'humanité ». C’est aussi une étape fondamentale dans la construction d’une justice internationale après-guerre. Aujourd’hui, celle-ci s’incarne dans des juridictions permanentes, avec la Cour pénale internationale à La Haye, aux Pays-Bas.

Voici les principales étapes qui, de Nuremberg à La Haye, ont jalonné la construction de la justice internationale.

Chaque partie est illustrée par des vidéos, transcrites et contextualisées par un enseignant d’histoire (onglets contexte » et « transcription », à droite de la visionneuse). Vous retrouverez également, en lien avec certaines parties, des propositions de pistes pédagogiques.

1. L’inauguration du droit pénal international

8 août 1945 : institution du Tribunal militaire international de Nuremberg par l’accord de Londres

À la fin de la guerre, après la découverte des atrocités commises par les nazis dans les camps, l’accord de Londres, signé le 8 août 1945 par les États-Unis, l’URSS, le Royaume-Uni et la France, décide de mettre en place un Tribunal militaire international afin de traduire en justice les grands criminels, dont les crimes sont sans localisation géographique précise

Le procès a lieu en Bavière, à Nuremberg. Cette ville, où se tenaient les gigantesques rassemblements du parti nazi, conserve malgré les bombardements plusieurs bâtiments capables d’accueillir le tribunal et de loger toutes les personnes liées au procès, pendant plus de 10 mois, du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946. 

À Nuremberg, les accusés sont jugés selon 4 chefs d’accusation : complot, crimes contre la paix, crimes de guerre, et crimes contre l’humanité. Cette dernière notion, appliquée pour la première fois, forme une nouvelle catégorie juridique internationale qui couvre l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout acte inhumain commis contre les populations civiles avant ou pendant la guerre.

Vidéo

Date de la vidéo: 1945 Collection:  - Les Actualités françaises

Ouverture du procès de Nuremberg

Première séance du procès de Nuremberg contre les grands criminels de guerre nazis. Après la lecture de l'acte d'accusation, se tient la première audience des accusés. 400 journalistes venus du monde entier assistent à ces débats.

Nuremberg est un procès international : la procédure suivie est de tradition anglo-saxonne, les quatre juges sont issus des quatre nations signataires de l’accord de Londres, les débats sont traduits simultanément dans les quatre langues du procès : anglais, français, allemand et russe.

Le 21 novembre, les accusés doivent décider s’ils plaident coupable ou non coupable. Tous plaident « non coupable ».

Vidéo

Date de la vidéo: 1946 Collection:  - Les Actualités françaises

La déposition de Marie-Claude Vaillant-Couturier au procès de Nuremberg

Au cours du procès de Nuremberg, le juriste François de Menthon est chargé, au nom de la France, de prononcer le réquisitoire introductif. Marie-Claude Vaillant-Couturier, résistante - déportée,  décrit ensuite à la barre le processus de sélection et d’extermination systématique d’une grande partie des hommes, femmes et enfants arrivant par convois à Auschwitz.

À partir du 17 janvier 1946, c’est l’accusation française qui est chargée de détailler les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité pour toute l’Europe occidentale. Parmi les témoins cités à comparaître, Marie-France Vaillant-Couturier délivre un témoignage direct sur le fonctionnement des chambres à gaz.

19 janvier 1946 : institution du Tribunal militaire international pour l’Extrême Orient (Tokyo)

Pour juger les grands criminels de guerre japonais, et sur le modèle de celui de Nuremberg, un procès est organisé à Tokyo, du 3 mai 1946 au 12 novembre 1948. 

28 prévenus y comparaissent pour crimes de guerre, crimes contre la paix, et crimes contre l’humanité. 

Le tribunal est composé de juges issus de onze nations ayant fait la guerre au Japon : aux quatre pays (URSS, États-Unis, Royaume-Uni et France) dont les représentants avaient siégé à Nuremberg s’ajoutent l’Australie, la Chine, l’Inde, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, les Pays-Bas et le Canada.

Au terme du procès, 25 des 28 accusés sont condamnés, dont 7 à la peine de mort. Mais l’absence de l’empereur du Japon Hirohito parmi les accusés explique, en partie, que le procès de Tokyo ait moins marqué les esprits que celui de Nuremberg, alors qu’il constituait lui aussi une expérience de mise en place d’une justice pénale internationale.

Vidéo

Date de la vidéo: 1948 Collection:  - Flash sur le passé

Procès de Tokyo en 1948 : condamnation à mort d’Hideki Tojo

Hideki Tojo, Premier ministre du Japon de 1941 à 1944, a comparu devant le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient, réuni à Tokyo entre 1946 et 1948. Le 10 septembre 1948, il a été condamné à mort pour crimes de guerre.

10 décembre 1948 : adoption par les 58 États membres de l’Assemblée générale de la Déclaration universelle des droits de l’homme

Après la Seconde Guerre mondiale, l'Organisation des Nations unies est créée. Elle adopte la Charte des Nations unies, qui affirme la foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, et engage tous les États membres à promouvoir le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.

Mais face aux atrocités commises par le régime nazi, il apparaît que la Charte ne définit pas suffisamment précisément les droits de l’Homme. C’est pour remédier à cela que la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) est rédigée, et adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948 à Paris, au palais de Chaillot. 

Vidéo

Date de la vidéo: 1948 Collection:  - Résistances

René Cassin présente la Déclaration universelle des droits de l'homme à l'ONU

Ce document d'archive de l'ONU permet d'entendre le discours de René Cassin présentant la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 dont il est un des principaux rédacteurs.

Vidéo

Date de la vidéo: 1963 Collection:  - Edition spéciale

La Déclaration universelle des droits de l'homme

Cette émission spéciale de l'ORTF revient sur les circonstances de l'élaboration et les principes constitutifs de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.

En définissant précisément les droits fondamentaux de l'individu, leur reconnaissance, et leur respect par la loi, la DUDH contribue à l’édification d’une idée de justice internationale.

Cependant, quelques années seulement après la fin de la guerre, l’entrée des grandes puissances dans une logique de guerre froide freine le processus de création d’une justice pénale internationale. Il faut attendre les années 1990 pour que la construction soit relancée.

2. L’affirmation de la justice pénale internationale

25 mai 1993 : institution du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)

Au début des années 1990, l’opinion publique internationale prend conscience des actes atroces qui sont en train d’être commis en ex-Yougoslavie : politique de « purification ethnique », viols, déplacements forcés de populations, massacres.

En conséquence, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte à l'unanimité, le 22 février 1993, la résolution 808 par laquelle il décide la création d’un Tribunal indépendant. Le statut de ce tribunal est adopté 3 mois plus tard, le 25 mai 1993, par l’adoption de la résolution 827. Un Tribunal international (TPIY) est créé dans le but de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis le 1er janvier 1991.

Le TPIY est une étape essentielle dans la construction d’une justice pénale internationale, les seuls précédents remontant aux tribunaux de Nuremberg et de Tokyo. Entre 1993 et sa dissolution en 2017, il a inculpé 161 individus, dont 90 ont été condamnés pour génocide, crimes de guerre ou crimes contre l’humanité. C’est en outre le premier tribunal à poursuivre un ancien chef d’État (Milošević) pour ces faits.

Vidéo

Date de la vidéo: 2001 Collection:  - Journal de 13 heures

Le procès Milosevic au TPIY

Le procès de Slobodan Milosevic par le Tribunal Pénal International pour l’Ex-Yougoslavie créé par l’ONU en 1993, est une nouvelle expression de la justice internationale à l’encontre des crimes de guerre.

La piste pédagogique ci-dessous a été conçue pour le thème 3 « Histoire et mémoires » du programme de Terminale, spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques.

Piste Pédagogique

Connexion requise pour consulter cette ressource

Niveaux: Lycée général et technologique

Le TPIY, une étape importante dans la construction d’une justice pénale internationale

À travers l'écoute d'un documentaire audio de RFI, cette piste pédagogique propose de réfléchir à la question suivante : Pourquoi la création du TPIY est-elle une étape essentielle dans la construction d’une justice pénale internationale ?

 

8 novembre 1994 : institution du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)

Afin de juger les personnes responsables d'actes de génocide des Tutsi au Rwanda, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) est créé le 8 novembre 1994 par le Conseil de sécurité des Nations unies. Ses compétences sont limitées au territoire du Rwanda et des États voisins pour des crimes commis au cours de l’année 1994. Il siège à Arusha en Tanzanie.

Comme le TPIY, le TPIR est un tribunal ad hoc : une instance temporaire, chargée de poursuivre et de juger les individus tenus responsables des crimes du droit international commis dans le cadre d’un conflit donné. Son mandat est donc circonscrit dans le temps et dans l’espace.

Vidéo

Date de la vidéo: 1999 Collection:  - Journal de 20 heures

Le Tribunal pénal international (TPI) d'Arusha pour le Rwanda

Cinq ans après sa création, ce reportage dresse un bilan assez positif de l'action du Tribunal pénal international pour le Rwanda siégeant à Arusha, en Tanzanie. Il est chargé de juger les responsables du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994.

La piste pédagogique ci-dessous, conçue pour le thème 3 « Histoire et mémoires » du programme de Terminale, spécialité HGGSP, a été réalisée par Florent Piton, docteur en Histoire de l’Afrique, auteur de plusieurs ouvrages sur le génocide des Tutsi au Rwanda.

Piste Pédagogique

Connexion requise pour consulter cette ressource

Niveaux: Lycée général et technologique

Le génocide des Tutsi au Rwanda

À travers l'écoute d'un documentaire audio de RFI, cette piste pédagogique propose de réfléchir à la question suivante : Comment la transformation des imaginaires historiques et de l’organisation sociale au Rwanda à l’époque coloniale a-t-elle pu être l’un des creusets du génocide des Tutsi en 1994 ?

Après le TPIY et le TPIR, on ne crée plus de tribunaux internationaux ad hoc, mais des tribunaux « mixtes » : des juridictions d’exception créées au sein des systèmes nationaux, et soumises à un contrôle international des Nations unies. Il semble en effet que l'association de juges nationaux et internationaux rende une justice plus efficace et plus proche des mentalités nationales.

Parmi ces tribunaux « mixtes » : le Tribunal spécial pour la Sierra-Leone (2002), le Tribunal spécial pour le Cambodge (2003), le Tribunal Spécial pour le Liban (2007).

3. L’institutionnalisation de la justice pénale internationale

17 juillet 1998 : conférence des Nations unies à Rome : signature de la convention portant statut de la création d’une Cour pénale internationale

11 avril 2002 : naissance de la Cour pénale internationale

Dès sa création en 1945, l’ONU souhaite créer une Cour pénale internationale et des commissions commencent à travailler sur un projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité. Mais ces travaux sont mis en sommeil durant la Guerre froide.

Après la chute du mur de Berlin (1989) et la chute de l’URSS (1991), ils reprennent. Ils  aboutissent à la signature du Statut de Rome en 1998, qui définit les pouvoirs et obligations de la Cour pénale internationale (CPI). 

Après qu’un quorum minimum d’États a ratifié le Statut, il entre en vigueur : c’est chose faite le 11 avril 2002. C’est désormais à la CPI qu’appartient le rôle de juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d'agression et de crime de guerre. Et bien que créée sous l’égide de l’ONU, la CPI en est indépendante : sa crédibilité est ainsi renforcée. 

Thèmes

Sur le même thème