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La naissance de la justice internationale : de Nuremberg à La Haye

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Par L'équipe Lumni Enseignement
Publication : 21 sept. 2021 | Mis à jour : 19 déc. 2023

Niveaux et disciplines

À l'occasion du 75e anniversaire de la clôture du procès de Nuremberg, voici un tour d'horizon des grandes étapes qui ont jalonné la construction de la justice internationale.

     

Présentation

Il y a 75 ans, les 30 septembre et  1er octobre 1946, au procès de Nuremberg, il est fait lecture du verdict aux 24 accusés. Parmi ces hommes - parmi les plus hauts dignitaires du IIIe Reich -, 12 sont condamnés à mort, 7 sont condamnés à des peines de prison, 3 sont acquittés. Le procès de Nuremberg se termine là, presque un an après son ouverture. 

Nuremberg reste dans les esprits comme le procès où est appliquée pour la première fois la notion de « crime contre l'humanité ». C’est aussi une étape fondamentale dans la construction d’une justice internationale après-guerre. Aujourd’hui, celle-ci s’incarne dans des juridictions permanentes, avec la Cour pénale internationale à La Haye, aux Pays-Bas.

Voici les principales étapes qui, de Nuremberg à La Haye, ont jalonné la construction de la justice internationale.

Chaque partie est illustrée par des vidéos, transcrites et contextualisées par un enseignant d’histoire (onglets contexte » et « transcription », à droite de la visionneuse). Vous retrouverez également, en lien avec certaines parties, des propositions de pistes pédagogiques.

1. L’inauguration du droit pénal international

8 août 1945 : institution du Tribunal militaire international de Nuremberg par l’accord de Londres

À la fin de la guerre, après la découverte des atrocités commises par les nazis dans les camps, l’accord de Londres, signé le 8 août 1945 par les États-Unis, l’URSS, le Royaume-Uni et la France, décide de mettre en place un Tribunal militaire international afin de traduire en justice les grands criminels, dont les crimes sont sans localisation géographique précise

Le procès a lieu en Bavière, à Nuremberg. Cette ville, où se tenaient les gigantesques rassemblements du parti nazi, conserve malgré les bombardements plusieurs bâtiments capables d’accueillir le tribunal et de loger toutes les personnes liées au procès, pendant plus de 10 mois, du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946. 

À Nuremberg, les accusés sont jugés selon 4 chefs d’accusation : complot, crimes contre la paix, crimes de guerre, et crimes contre l’humanité. Cette dernière notion, appliquée pour la première fois, forme une nouvelle catégorie juridique internationale qui couvre l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout acte inhumain commis contre les populations civiles avant ou pendant la guerre.

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Nuremberg est un procès international : la procédure suivie est de tradition anglo-saxonne, les quatre juges sont issus des quatre nations signataires de l’accord de Londres, les débats sont traduits simultanément dans les quatre langues du procès : anglais, français, allemand et russe.

Le 21 novembre, les accusés doivent décider s’ils plaident coupable ou non coupable. Tous plaident « non coupable ».

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À partir du 17 janvier 1946, c’est l’accusation française qui est chargée de détailler les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité pour toute l’Europe occidentale. Parmi les témoins cités à comparaître, Marie-France Vaillant-Couturier délivre un témoignage direct sur le fonctionnement des chambres à gaz.

19 janvier 1946 : institution du Tribunal militaire international pour l’Extrême Orient (Tokyo)

Pour juger les grands criminels de guerre japonais, et sur le modèle de celui de Nuremberg, un procès est organisé à Tokyo, du 3 mai 1946 au 12 novembre 1948. 

28 prévenus y comparaissent pour crimes de guerre, crimes contre la paix, et crimes contre l’humanité. 

Le tribunal est composé de juges issus de onze nations ayant fait la guerre au Japon : aux quatre pays (URSS, États-Unis, Royaume-Uni et France) dont les représentants avaient siégé à Nuremberg s’ajoutent l’Australie, la Chine, l’Inde, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, les Pays-Bas et le Canada.

Au terme du procès, 25 des 28 accusés sont condamnés, dont 7 à la peine de mort. Mais l’absence de l’empereur du Japon Hirohito parmi les accusés explique, en partie, que le procès de Tokyo ait moins marqué les esprits que celui de Nuremberg, alors qu’il constituait lui aussi une expérience de mise en place d’une justice pénale internationale.

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10 décembre 1948 : adoption par les 58 États membres de l’Assemblée générale de la Déclaration universelle des droits de l’homme

Après la Seconde Guerre mondiale, l'Organisation des Nations unies est créée. Elle adopte la Charte des Nations unies, qui affirme la foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, et engage tous les États membres à promouvoir le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.

Mais face aux atrocités commises par le régime nazi, il apparaît que la Charte ne définit pas suffisamment précisément les droits de l’Homme. C’est pour remédier à cela que la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) est rédigée, et adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948 à Paris, au palais de Chaillot. 

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En définissant précisément les droits fondamentaux de l'individu, leur reconnaissance, et leur respect par la loi, la DUDH contribue à l’édification d’une idée de justice internationale.

Cependant, quelques années seulement après la fin de la guerre, l’entrée des grandes puissances dans une logique de guerre froide freine le processus de création d’une justice pénale internationale. Il faut attendre les années 1990 pour que la construction soit relancée.

2. L’affirmation de la justice pénale internationale

25 mai 1993 : institution du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)

Au début des années 1990, l’opinion publique internationale prend conscience des actes atroces qui sont en train d’être commis en ex-Yougoslavie : politique de « purification ethnique », viols, déplacements forcés de populations, massacres.

En conséquence, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte à l'unanimité, le 22 février 1993, la résolution 808 par laquelle il décide la création d’un Tribunal indépendant. Le statut de ce tribunal est adopté 3 mois plus tard, le 25 mai 1993, par l’adoption de la résolution 827. Un Tribunal international (TPIY) est créé dans le but de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis le 1er janvier 1991.

Le TPIY est une étape essentielle dans la construction d’une justice pénale internationale, les seuls précédents remontant aux tribunaux de Nuremberg et de Tokyo. Entre 1993 et sa dissolution en 2017, il a inculpé 161 individus, dont 90 ont été condamnés pour génocide, crimes de guerre ou crimes contre l’humanité. C’est en outre le premier tribunal à poursuivre un ancien chef d’État (Milošević) pour ces faits.

Insert de la ressource Document - ID: 00000000744 en mode essentiel

La piste pédagogique ci-dessous a été conçue pour le thème 3 « Histoire et mémoires » du programme de Terminale, spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques.

Insert de la ressource Parcours - ID: 0217 en mode essentiel

8 novembre 1994 : institution du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)

Afin de juger les personnes responsables d'actes de génocide des Tutsi au Rwanda, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) est créé le 8 novembre 1994 par le Conseil de sécurité des Nations unies. Ses compétences sont limitées au territoire du Rwanda et des États voisins pour des crimes commis au cours de l’année 1994. Il siège à Arusha en Tanzanie.

Comme le TPIY, le TPIR est un tribunal ad hoc : une instance temporaire, chargée de poursuivre et de juger les individus tenus responsables des crimes du droit international commis dans le cadre d’un conflit donné. Son mandat est donc circonscrit dans le temps et dans l’espace.

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La piste pédagogique ci-dessous, conçue pour le thème 3 « Histoire et mémoires » du programme de Terminale, spécialité HGGSP, a été réalisée par Florent Piton, docteur en Histoire de l’Afrique, auteur de plusieurs ouvrages sur le génocide des Tutsi au Rwanda.

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Après le TPIY et le TPIR, on ne crée plus de tribunaux internationaux ad hoc, mais des tribunaux « mixtes » : des juridictions d’exception créées au sein des systèmes nationaux, et soumises à un contrôle international des Nations unies. Il semble en effet que l'association de juges nationaux et internationaux rende une justice plus efficace et plus proche des mentalités nationales.

Parmi ces tribunaux « mixtes » : le Tribunal spécial pour la Sierra-Leone (2002), le Tribunal spécial pour le Cambodge (2003), le Tribunal Spécial pour le Liban (2007).

3. L’institutionnalisation de la justice pénale internationale

17 juillet 1998 : conférence des Nations unies à Rome : signature de la convention portant statut de la création d’une Cour pénale internationale

11 avril 2002 : naissance de la Cour pénale internationale

Dès sa création en 1945, l’ONU souhaite créer une Cour pénale internationale et des commissions commencent à travailler sur un projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité. Mais ces travaux sont mis en sommeil durant la Guerre froide.

Après la chute du mur de Berlin (1989) et la chute de l’URSS (1991), ils reprennent. Ils  aboutissent à la signature du Statut de Rome en 1998, qui définit les pouvoirs et obligations de la Cour pénale internationale (CPI). 

Après qu’un quorum minimum d’États a ratifié le Statut, il entre en vigueur : c’est chose faite le 11 avril 2002. C’est désormais à la CPI qu’appartient le rôle de juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d'agression et de crime de guerre. Et bien que créée sous l’égide de l’ONU, la CPI en est indépendante : sa crédibilité est ainsi renforcée. 

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