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Années 1930 en Espagne : de la République à la guerre civile

Copyright de l'image décorative: STF / AFP

Combattants républicains pendant la guerre civile espagnole.
Par Cyrielle Le Moigne-Tolbaresponsable éditoriale, Lumni Enseignement.
Publication : 26 avr. 2024 | Mis à jour : 26 avr. 2024

Niveaux et disciplines

L'Espagne des années 1930 est tiraillée par des forces contradictoires, entre désir de démocratie et tentation de l'autoritarisme. Cette tension aboutit en 1936 au déclenchement d'une insurrection militaire visant à chasser les républicains du pouvoir. Ainsi débute la guerre civile espagnole.

Dans les années 1930, l’Espagne, en marge de l’Europe et du monde (le royaume est resté neutre pendant la Première Guerre mondiale), est en proie à une importante instabilité politique. En 1931, la monarchie d’Alphonse XIII est renversée, la seconde République est proclamée. Dans ce pays empreint de tradition catholique, l’enseignement est laïcisé et le mariage civil autorisé. Mais deux ans plus tard, le président du Conseil, Manuel Azaña, perd les élections face à une coalition de centre-droit. Il n’a pas le temps de mener à bien sa réforme agraire. L’instabilité politique favorise l’émergence de factions violentes, tant parmi les nationalistes et les royalistes que parmi l’extrême gauche. En 1934, des soulèvements d’inspiration anarchiste ou socialiste éclatent dans plusieurs provinces (dont la Catalogne, les mines des Asturies et Madrid). Le général Francisco Franco, qui prend la tête des opérations militaires dans les Asturies (dans le nord-ouest du pays), châtie les rebelles avec brutalité, recourant au viol, à la torture ou au meurtre. 

     

Divisions politiques dans l'Espagne des années 1930

 

Cette vidéo de la série Géopoliticus explique le contexte du déclenchement de la guerre d’Espagne et retrace les quarante ans de dictature franquiste.

Un Front populaire malmené

Le 6 février 1936, le Front populaire, une coalition de socialistes et de républicains, remporte les élections, avec une avance estimée entre 150 000 et 840 000 voix sur un électorat estimé à 9 millions de personnes selon les sources. Cette victoire est suivie d’une série de manifestations dans plusieurs régions du pays. Mais, contrairement aux grèves joyeuses marquant la victoire du Front populaire de Léon Blum la même année en France, ces mouvements s’accompagnent en Espagne de flambées de violence : assassinats politiques, attaques contre des églises, occupations d’usines. La situation échappe totalement aux membres du Front populaire au pouvoir, des républicains bourgeois et des socialistes raisonnables, selon l’expression de l’historien Bartolomé Bennassar. La base des ouvriers et des paysans réclame sa part de richesse et se méfie d’une réforme agraire menée par des politiciens éloignés de leur quotidien. José Avila, laboureur dans le bourg d'Espejo près de Cordoue, confirme le désordre qui règne en Espagne en 1936 : Il y avait tant d’idéologies différentes, spécialement à gauche, républicains, socialistes, communistes, anarchistes ! Je ne sais pas ce que voulaient réellement les [ouvriers] journaliers. Je crois qu’ils ne le savaient pas eux-mêmes.

De février à juillet 1936, le camp conservateur espagnol, attaché à la tradition catholique et à la royauté, fourbit ses armes. Un vaste complot est monté par des décideurs militaires (junta de generales) dans le but de renverser les républicains. En juillet 1936, le général Franco prend la tête des insurgés et déclenche, le 17, un soulèvement militaire. Ses troupes partent des garnisons nord-africaines de Ceuta, de Melilla et de Tétouan et débarquent, dès le 18, dans le sud de la péninsule espagnole. L’officier, connu pour sa brutalité, pense reprendre le pays en main rapidement. Mauvais calcul : il va en réalité le scinder en deux camps irréconciliables pendant près de trois ans. C'est la guerre civile espagnole. L’Espagne centrale et méridionale, ainsi que les grandes villes (dont Madrid) restent fidèles à la République. On y voit se former des groupes d’ouvriers en armes qui défendent le gouvernement légitime du Front populaire. À l’inverse, les régions rurales du nord et de l’ouest, ainsi qu’une enclave entre Séville et Cadix dans le sud, soutiennent l’insurrection franquiste.

Au cours de cette guerre meurtrière, près de 800 000 républicains s'opposent à quelque 800 000  nationalistes.

Date de la vidéo: 2023 Collection:  - La Grande Explication

La guerre civile espagnole

La guerre d’Espagne à la une, 1936-1939

RetroNews met en lumière le traitement du conflit par la presse française au travers de cinq grandes unes publiées entre 1936 et 1939 et de trois affiches extraites des journaux de l’époque.

La guerre d'Espagne à la Une, par Retronews

Capture d'écran du dossier du site Retronews sur une sélection de journaux parlant de la Guerre d'Espagne. Description de la photo : « un homme blessé en rentrant à Teruel, un soldat républicain est emmené au poste de secours par un camarade », Ce soir, 30 décembre 1937 - Source : RetroNews-BnF

Le pacte avec Hitler et Mussolini

Alors que le conflit s’enlise, Franco se tourne vers deux régimes autoritaires, l’Allemagne nazie d’Hitler et l’Italie fasciste de Mussolini, et obtient leur soutien. L’Italie envoie 50 000 soldats, des bombardiers, des chasseurs et de l’armement. Le IIIe Reich, quant à lui, envoie 10 000 soldats, dont 6 000 appartenant à la légion Condor. Cette unité aérienne composée d’escadrilles de chasse, de bombardement et de reconnaissance, a carte blanche pour tester de nouvelles techniques et de nouvelles stratégies militaires.

Le 26 avril 1937, des avions de la légion Condor et de l'aviation légionnaire italienne fasciste larguent des bombes incendiaires et explosives sur la ville basque de Guernica : 1 654 civils trouvent la mort en ce jour de marché. Apprenant la nouvelle, Pablo Picasso se jette dans la réalisation d'une œuvre monumentale pour crier au monde son indignation.

Les Brigades internationales

Dans le camp républicain, la réplique s’organise. La France et le Royaume-Uni apportent un soutien discret et limité au camp républicain, les deux nations invoquant un principe de non-intervention. 

La Russie soviétique envoie des blindés et des avions, mais agit surtout en fonction de ses propres intérêts : Staline envoie en Espagne des experts du NKVD (le Commissariat du peuple aux Affaires intérieures, chargé de la sécurité de l'État soviétique) ayant pour mission de liquider les anarchistes et les marxistes du POUM (Parti ouvrier d'unification marxiste).

Surtout, près de 40 000 volontaires, en majorité communistes et sans formation militaire, affluent du monde entier pour s’engager dans les Brigades internationales, un vivier de combattants et de propagandistes. L'écrivain Ernest Hemingway participe ainsi à la guerre d'Espagne en tant que journaliste. Il racontera cette expérience (la période la plus heureuse de nos vies) dans le livre Pour qui sonne le glas. Artur London, homme politique tchécoslovaque communiste, s’engage aussi dans les Brigades internationales pour défendre la démocratie.

Date de la vidéo: 1937 Collection:  - Les Actualités françaises

La guerre en Espagne en 1937

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En 1939, la supériorité militaire du camp nationaliste ne fait plus de doutes. Après la prise de Barcelone par les franquistes le 26 janvier, Londres et Paris reconnaissent le gouvernement de Franco. Madrid, elle, ne tombe que le 28 mars. 

La guerre civile d'Espagne a fait près d'un million de victimes : 145 000 morts au cours des combats, 134 000 fusillés, 630 000 morts de maladie. Plus de 400 000 Espagnols s'exilent pour fuir la dictature et la répression. C’est la Retirada (la retraite). Le système politique mis en place par Francisco Franco, fondé sur l’unité nationale, la tradition, la famille et la piété catholique, ne tolère aucune opposition. À la mort de Franco, le 20 novembre 1975, un processus de transition démocratique permet d'instaurer une monarchie constitutionnelle et de rétablir la démocratie au début des années 1980.

Pour aller plus loin

Notre dossier sur Guernica, Picasso et la guerre civile espagnole :

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