L'arrivée au pouvoir de Charles de Gaulle en 1958

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 04 juin 1958 | Date d'évènement : 28 mai 1958

Après des manifestations insurrectionnelles en Algérie, une crise politique éclate : le président du Conseil Pierre Pflimlin présente sa démission le 28 mai. Le président de la République René Coty appelle le général de Gaulle au pouvoir.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Les Actualités françaises
Date de l'évènement :
28 mai 1958
Date de diffusion du média :
04 juin 1958
Production :
INA
Page publiée le :
2003
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000000069

Contexte historique

Par Jean-Claude Lescure

A l'occasion de l'arrivée au pouvoir du général de Gaulle, le Journal national des Actualités Françaises réalise une édition spéciale de 8 minutes qui résume les événements et les interprète de façon favorable au nouveau détenteur du pouvoir exécutif. Sont ainsi passés sous silence des événements qui ont permis aux opposants de parler d'un coup d'Etat.

En trois semaines, les faits s'enchaînent rapidement. Lors d'une manifestation en Algérie le 15 mai, le général Salan sort de son rôle et empiète sur les prérogatives du pouvoir civil : il fait appel au général de Gaulle pour sortir de la situation de crise, de l'instabilité politique, et pour conserver l'Algérie française. En Corse, des manifestants dans la rue condamnent la IVe République, Pascal Arrighi forme les 24 et 25 mai des comités de salut public qui sont nettement insurrectionnels. A Paris, beaucoup craignent une opération militaire, et le parachutage de soldats venant d'Algérie pour mener un coup d'Etat dans la métropole : c'est l'opération Résurrection qui est téléguidée depuis Alger par les Généraux.

A Paris, le général de Gaulle tonne contre "le régime des partis" dans une conférence de presse le 19 mai au Palais d'Orsay et pose le cadre de nouvelles institutions. Affaibli, le président du Conseil Pierre Pflimlin présente sa démission au président de la République René Coty le 28 mai. Ce dernier convoque les chefs de parti à l'Elysée (Antoine Pinay, Guy Mollet, Vincent Auriol) puis annonce à l'Assemblée nationale sa décision d'appeler le général de Gaulle à la présidence du Conseil. De Gaulle devient le dernier chef de gouvernement de la IVe République. A Alger, les manifestations se poursuivent sur la place du gouvernement général, contre les positions du FLN, et en faveur de l'Algérie française. La situation politique est tendue : ce même 28 mai, les adversaires du général de Gaulle, dont Pierre Mendès France, se rassemblent place de la République à Paris. Les partisans du général manifestent également à Paris : ils descendent en voiture les Champs Elysées où ils font retentir les klaxons, et se groupent devant l'Assemblée nationale faisant ainsi pression sur la représentation nationale.

Dans cette atmosphère politique difficile, René Coty affiche son soutien au Général qui consulte les représentants politiques à l'hôtel La Pérouse. A Alger, les manifestations de soutien au nouveau président du Conseil se multiplient, tandis qu'à Toulouse, les manifestants favorables aux institutions de la IVe République se retrouvent pacifiquement sur la place du Capitole. A Bordeaux, des heurts éclatent entre adversaires et partisans du Général. A Paris, les étudiants manifestent contre de Gaulle place de l'Etoile, qui se présente seul devant les députés réunis à l'Assemblée nationale le 1er juin : il obtient son investiture : par 329 voix pour et 224 contre. Il peut alors constituer son cabinet après consultation des chefs historiques des partis politiques.

Deux interprétations contradictoires de ces semaines s'affrontent : pour les uns, le général de Gaulle a pris le pouvoir en suivant seulement les apparences de la Constitution, pour les autres, c'est légitimement qu'il est investi, avec pour mission de sauver la République, y compris en changeant les institutions et en créant la Ve République.[Rioux Jean-Pierre, La France de la Quatrième République, volume 2, L'expansion et l'impuissance, 1952 – 1958, Point Seuil, Paris, 1983][Berstein Serge, Milza Pierre, Histoire de la France au XXe siècle, Complexe, Bruxelles, 1995]

Éclairage média

Par Jean-Claude Lescure

Les huit minutes de ce document résument plusieurs semaines riches d'événements. Les choix effectués épousent la vision des événements que le pouvoir pourrait vouloir donner. Les oublis volontaires sont révélateurs d'une option politique : rien n'est dit de l'appel lancé par le général Salan au général de Gaulle, le silence est fait sur l'opération Résurrection, les manifestants corses sont présentés comme de simple citoyens descendus ordinairement dans la rue, tout comme les manifestants à Alger. Le temps réservé aux protagonistes des événements est très déséquilibré : le point de vue de Pierre Plimflin n'est pas présenté, tandis que celui du général de Gaulle est longuement exposé, y compris quand il n'est encore investi d'aucun pouvoir légal. La présence de représentants de partis (Antoine Pinay, Vincent Auriol, Guy Mollet) auprès du Général est longuement mentionnée, tandis que les dirigeants de l'opposition ne sont pas nommés, même lorsqu'ils apparaissent en tête d'une manifestation (Pierre Mendès France, Edouard Daladier, François Mitterrand).

Le ton du commentaire est également significatif. Il débute de façon dramatique : la France est menacée dans son existence, puis à mesure que la sortie de crise est évoquée, et l'arrivée au pouvoir du général de Gaulle assurée, le journaliste prend un ton plus mesuré et estime que le discours d'investiture de de Gaulle, seul à l'Assemblée nationale, est "un texte dur et lucide". Le parti pris se manifeste également dans les images choisies : de Gaulle est filmé en conférence de presse seul assis à un bureau, comme pour insister sur son aspect calme et pondéré, sûr de lui et des solutions qu'il peut préconiser, tandis que le président du conseil Pierre Pflimlin, entouré de journalistes, semble débordé, sans ressources pour affronter les événements. Les images deviennent familières avec les plans pris à Colombey-les-Deux-Eglises : la population locale, la France profonde est filmée à l'intérieur des foyers, écoutant la radio ( le plan évoque les Français écoutant clandestinement la BBC pendant la Seconde Guerre mondiale), lisant le journal. Cette population est rassurée par le retour au pouvoir du Général, posé en sauveur. En contrepoint, les images de manifestation à Alger sont menaçantes, la foule filmée de loin souligne le désordre encore possible. Les images se font de nouveau rassurantes quand elles montrent les manifestations des gaullistes en métropole : les forces de l'ordre sont souvent présentes ; gendarmes mobiles et policiers affichent des visages détendus et souriants aux manifestants. L'ordre est désormais maintenu. Symboliquement le reportage s'achève par une séquence d'archives : le général de Gaulle descendant les Champs Elysées lors de la libération de Paris en août 1944.

L'action du Général en 1958 est ainsi placée dans le prolongement de son rôle joué lors de la Libération de la France. Le journal filmé joue ici sur les imaginaires pour construire une continuité entre les actions du général de Gaulle pendant la guerre et en 1958.

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