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L’eau douce : répartition, surveillance et gestion

Copyright de l'image décorative: © Humphrey Muleba / Pexel

Par Afsané SabouhiJournaliste scientifique
Publication : 14 mars 2023 | Mis à jour : 19 déc. 2023

Niveaux et disciplines

La Terre doit son surnom de planète bleue au fait d’être recouverte d’eau sur près des trois quarts de sa surface. Pour l’essentiel (plus de 97 % du volume total), il s’agit d’eau salée. L’eau douce est une denrée beaucoup plus rare. On la trouve principalement sous forme gelée dans les glaciers et le permafrost [Réf. oqitpqbpa] et sous-terraine, dans les nappes phréatiques. Lacs et rivières représentent moins de 1 % de du stock total. 

Le cycle de l'eau

Qu’elle soit douce ou salée, l’eau évolue en un circuit fermé sur la planète depuis des millions d’années. Le moteur de ce cycle est le Soleil qui provoque de l’évaporation depuis les sols et les étendues aqueuses et la transpiration des végétaux. Lorsque l’atmosphère est saturée en vapeur d’eau, des nuages se forment et le précieux liquide retombe sur terre sous forme de pluie, de neige ou de grêle. Selon l’intensité des précipitations et la nature des sols, une partie plus ou moins importante ruisselle en surface jusqu’à rejoindre un cours d’eau, puis, in fine, la mer ou l’océan le plus proche. Le reste s’infiltre en profondeur, contribuant ainsi à la recharge des nappes souterraines. 

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Les nappes phréatiques, de précieux gisements…

La plus vaste nappe phréatique de France se situe dans la Beauce. Elle s’étend sous 6 départements différents (Loiret, Loire-et-Cher, Eure-et-Loir, Seine-et-Marne, Essonne, Yvelines), sur plus de 9 000 km2. Un confetti par rapport à la plus grande nappe des États-Unis, dont l’étendue – du Dakota du Sud au Texas – est comparable à la superficie de l’Hexagone tout entier. Mais il ne faut pas s’imaginer que les eaux souterraines forment, comme en surface, des lacs et des rivières. C’est rarement le cas. Dans la plupart des endroits, il s’agit d’eau contenue dans la roche, plus précisément dans les pores ou les fissures des roches saturées par les eaux pluviales infiltrées. Les hydrogéologues distinguent par deux termes différents le contenu et le contenant : « nappe phréatique » ou « nappe souterraine » désignent l’eau elle-même, tandis que « aquifère » désigne le milieu géologique qui lui sert de réservoir. Il peut s’agir de roches sédimentaires, d’alluvions ou de roches cristallines et volcaniques selon les endroits. 

Une nappe est généralement limitée vers le bas par une couche géologique imperméable (argileuse par exemple) et vers le haut par la zone où la roche cesse d’être saturée d’eaux infiltrées. On parle du toit de la nappe. La profondeur de ce toit varie au cours de l’année selon l’intensité des précipitations au fil des saisons. En France, la surveillance du niveau des nappes souterraines est l’une des missions principales du Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM. Il dispose d’un réseau national de 1 600 points de forage permettant de connaître en temps réel l’état des grandes nappes phréatiques. Dix fois par an, le BRGM publie un bulletin de situation hydrogéologique qui retrace toutes les observations nationales du niveau des nappes. Il permet, comparativement aux données des années précédentes, de surveiller si leur recharge automnale et hivernale se fait bien et d’anticiper les risques de sécheresse estivale. 

Si les nappes phréatiques sont si étroitement surveillées, c’est que ces stocks d’eau en sous-sol constituent près des deux tiers de la consommation d’eau potable, plus du tiers de celle du monde agricole et sont aussi largement exploités par le secteur industriel. Il s’agit de plonger des pompes dans les trous de forage. Les nappes les moins profondes, plus faciles d’accès, sont généralement utilisées pour l’agriculture et l’industrie tandis que les plus profondes, davantage préservées des pollutions, sont privilégiées pour l’eau potable. 

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Qu'est-ce qu'un réseau piézométrique ?

Le réseau national de 1600 points de forage du BRGM est appelé réseau piézométrique, du nom de la sonde – un piézomètre – que l’on fait descendre dans les tuyaux de forage pour mesurer la profondeur des nappes. En relevant simultanément les données de différents piézomètres, on peut tracer des courbes d’égale profondeur, observer ainsi le sens d’écoulement de chaque nappe et construire des cartes des réserves d’eau souterraine.

… vulnérables aux polluants

Au cours de son cycle, l’eau est confrontée aux activités humaines et exposée à leurs pollutions. Les nuages se chargent par exemple de particules fines qui, par l’intermédiaire de gouttes d’eau, retombent sur le sol. Lorsqu’elles ruissellent ou s’infiltrent à travers la terre végétale (c’est-à-dire la couche superficielle du sol dans laquelle plongent les racines des plantes), les gouttes d’eau peuvent alors se charger en métaux lourds rejetés par l’usine située à proximité, en nitrates du fait de l’épandage d’engrais dans les champs environnants ou encore en pesticides utilisés dans les grandes cultures, mais aussi pour l’entretien des espaces verts urbains ou des voies de chemins de fer. Les sites de forage sont donc très souvent équipés de sondes permettant de mesurer le transfert des molécules polluantes vers les profondeurs pour limiter leur impact sur les eaux souterraines. En France, les rejets d’eaux des centrales nucléaires et des stations d’épuration, entre autres, sont étroitement surveillés pour prévenir ce type de pollutions.   

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L'eau, une source contrôlée

L’eau potable est également strictement contrôlée, pour son odeur, sa couleur et sa teneur en de nombreuses substances indésirables comme les nitrates, toxiques, comme le plomb ou encore microbiennes. L’eau, même en apparence limpide, peut en effet contenir des bactéries ou des parasites. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’au moins 2 milliards de personnes dans le monde boivent de l’eau contaminée et plus de 900 000  en meurent chaque année, notamment de diarrhée ou de choléra.

Comme en témoigne le reportage diffusé le 16 mars 2012 dans le journal télévisé de France 2, l’Inde est par exemple confrontée de longue date à la difficulté de mettre en place un réseau d’eau salubre sur l’ensemble du sous-continent. Ce n’est toujours pas le cas à ce jour. L’objectif réaffirmé du gouvernement indien est d’y parvenir d’ici à 2024. Une gageure dans un pays où les nappes phréatiques sont en voie d’épuisement, polluées et surexploitées par l’agriculture intensive.  

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Les métiers de l’eau

Développer et entretenir en France un réseau d’eau potable protégé des polluants sans épuiser la ressource souterraine est un enjeu de taille. Surtout dans un contexte climatique où les épisodes de sécheresse deviennent récurrents et où la recharge des nappes par les précipitations de l’automne et de l’hiver n’est plus aussi intense. Du foreur à l’hydrogéologue en passant par le technicien de rivière, tous ces métiers ont finalement un objectif commun : préserver notre accès si simple à une ressource naturelle des plus précieuses.

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Sécheresse, surconsommation : lutter contre le manque d'eau

L’espèce humaine cherche depuis la nuit des temps à maîtriser l’eau douce, indispensable à sa survie. Recueillir les pluies dans des citernes, creuser la roche pour accéder aux nappes souterraines, conduire le si précieux liquide vers ses villes et ses champs par d’ingénieux systèmes de canaux limitant son évaporation… Des oasis du Yémen 1 200 ans avant J.-C. aux vallons de Provence dans les années 1960, l’objectif des constructions est finalement le même : préserver les hommes et leurs cultures de la sécheresse.  

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Et quand la perspective de manquer d’eau se précise, cette dernière est encore source d’innovations. Ainsi, dès les années 1960, les scientifiques expérimentent la désalinisation de l’eau de mer. Cette technique dite d’osmose inverse repose sur une ultrafiltration de l’eau sous pression à travers des membranes retenant les 30 à 35 g de sel que contient chaque litre. L’ONU estimait en 2018 à 95 millions de mètres cubes la production quotidienne d’eau douce par désalinisation à travers le monde, des Maldives à Singapour en passant par les pays du golfe Persique. L’impact environnemental des plus de 140 millions de mètres cubes de saumure plus chaude que l’eau de mer rejetés quotidiennement à l’issue de ce procédé devient problématique pour les écosystèmes marins. 

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Alors que la crainte de manquer d’eau potable devient de plus en plus tangible en France, l’expérience de la ville sud-africaine du Cap pourrait servir de modèle. Confrontée à une sécheresse sans précédent entre 2015 et 2018, elle a été contrainte aux restrictions d’eau pour ne pas en arriver aux pénuries. Ses habitants ne pouvaient consommer que 60 litres d’eau par personne et par jour. Pour mémoire, chaque Français en consomme en moyenne près de 150 quotidiennement. Limitation du gaspillage à tous les niveaux du réseau, incitation à la réutilisation, choix de végétaux moins gourmands en eau, taxation et amendes… Les changements se sont faits aussi bien à l’échelle collective qu’individuelle. Ainsi, pour inciter chacun à raccourcir sa douche, des stars locales avaient réenregistré des versions de 90 secondes de leurs chansons ! 

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La puissance du courant

Depuis les moulins à eau servant à moudre le blé il y a plus de 2 000 ans, l’homme a appris à dompter l’énergie du mouvement des eaux, qu’il s’agisse du cours des rivières ou des marées, afin de la convertir en électricité. Les centrales hydroélectriques fournissent aujourd’hui 15 % de l’électricité mondiale. Les barrages sont la démonstration visible de l’un des atouts majeurs de cette technique. Stocker l’eau permet de produire l’énergie au moment voulu. Pour ce faire, les États se lancent dans d’immenses chantiers. Ainsi en témoignent ces reportages sur le barrage de la Rance, en Bretagne, d’Assouan en Égypte, ayant permis à lui seul le doublement de la production électrique du pays, ou celui des Trois-Gorges en Chine, encore aujourd’hui la plus puissante centrale électrique au monde. 

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Pour aller plus loin

En cliquant sur les images ci-dessous, accédez à des ressources complémentaires.

L'eau potable dans le monde

Au travers de cette animation, l'AFP met en lumière l'inégal accès à l'eau potable dans le monde.

L'eau dans le monde

Capture d'écran de l'animation de l'AFP intitulée "L'eau dans le monde".

Quiz : l'eau sous tension

Le site lumni.fr invite les lycéens à tester leurs connaissances sur l’usage de l’eau et son exploitation avec le quiz ci-dessous :

L'eau sous tension: quiz

Capture d'écran du quiz de lumni.fr intitulé "L'eau sous tension". On y voit un vieux robinet et une goutte d'eau qui s'en échappe.

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