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Mes forêts d'Hélène Dorion : contexte artistique

Copyright de l'image décorative: © Unseen Studio / Unspash

Par Anne RevertAgrégée de lettres modernes, lycée français international André-Malraux, Rabat (Maroc)
Publication : 28 févr. 2024 | Mis à jour : 28 févr. 2024

Niveaux et disciplines

Hélène Dorion aime écrire et réciter ses vers en musique. Elle aime aussi la photographie, l'opéra, la peinture, collaborer à la réalisation de courts-métrages... Gros plan sur une femme curieuse de tous les arts et se plaisant à les mêler.

 

Hélène Dorion souhaite avant tout rendre la poésie accessible, passer outre les préjugés qui la définissent comme ardue, créer des ponts entre elle et ses lecteurs pour qu’ils puissent l’éprouver de manière sensible et sensuelle, dans toutes ses dimensions, visuelles et sonores.

Parfois considérée comme trop hermétique ou élitiste, la poésie peut faire peur. La faire dialoguer avec d’autres formes d’art plus fréquentées est l’une des passerelles qu’Hélène Dorion emprunte régulièrement tout au long de son parcours artistique. Dans un entretien avec René Homier-Roy sur Radio-Canada, le 30 octobre 2021, Hélène Dorion affirmait d’ailleurs : « On écrit avec les œuvres des autres artistes. […] Une œuvre n’est jamais isolée, ce sont toujours des liens, des dialogues. » 

La musique

Hélène Dorion organise des concerts littéraires qui lui permettent de lire ses textes accompagnée par des musiciens. À Montréal, son travail avec le quatuor à cordes des Violons du Roy, avec Laurent Patenaude à la direction musicale, a permis, entre autres, d’allier des extraits de son œuvre à des musiques de Philip Glass, compositeur américain né en 1937, et à celles de Bach, Mozart et Pēteris Vasks, compositeur letton né en 1946. 

Si Hélène Dorion lit sa poésie en musique, elle l’écrit également en musique. Les 29 titres qui constituent la playlist de Mes forêts figurent sur son site. Des titres de Nils Frahm, Ólafur Arnalds, Angus MacRae, Alice Baldwin et bien d’autres privilégient le piano, les cordes, la musique électronique, une musique minimaliste à structure souvent répétitive, dans la lignée de Steve Reich ou Philip Glass, qui installe un climat de méditation, à l’unisson du livre. Les tonalités musicales sont majoritairement mineures, teintées de mélancolie dans la mouvance de la musique ambient qui était celle de Vangelis par exemple. 

La gravure ou la peinture

Hélène Dorion a fait paraître de nombreux livres d’artistes dans lesquels ses poèmes sont accompagnés de peintures, dessins ou gravures originales. Elle a notamment beaucoup collaboré avec Julius Baltazar, artiste français né en 1949, pour Passages de l’aube en 1996, Battements de terre, Pierres invisibles et Chemins du poème en 1999. Julius Baltazar – nom de plume d'Hervé Jambion, trouvé par Salvador Dalí en 1967 – créera tout au long de sa carrière des livres-offrandes pour ses autres amis poètes tels que Fernando Arrabal, Michel Butor, Michel Déon, Guy Goffette, Eugène Guillevic, Kenneth White.

La photographie

En 2016, Hélène Dorion a organisé une exposition intitulée Le Temps du paysage, associant ses textes à ses propres photographies. Cette initiative se prolonge dans ses publications sur les réseaux sociaux, qui associent souvent des textes poétiques à des photographies personnelles qui font écho à Mes forêts

Enfin, Hélène Dorion et son éditeur Bruno Doucey ont opéré des choix éditoriaux qui honorent la dimension graphique de l’écriture. Les blancs typographiques, les tirets, les alinéas dessinent quelque chose sur la page. Les vers ne sont pas numérotés pour ne pas rajouter de signes au texte original. Les poèmes commençant par Mes forêts sont toujours en page de droite parce qu’ils sont une scansion. Les espaces sont choisis, pensés graphiquement. 

La réalisation

Hélène Dorion travaille depuis 2014 avec le cinéaste Pierre-Luc Racine qui se passionne pour l'art narratif sous toutes ses formes. Il a réalisé un film à partir de la lecture d’un extrait du roman Pas même le bruit d’un fleuve d’Hélène Dorion et un court-métrage intitulé Le Bruissement du temps en 2023. La réalisation donne corps au mouvement et associe le visuel à la musique, permettant une sollicitation presque totale des sens. 

L’opéra

Là encore, le défi est de taille : attirer le public vers ce genre artistique qui n’est pas familier, aller au-delà des préjugés et permettre une rencontre avec cet art total où se croisent la littérature, la musique, le théâtre et la scénographie. Hélène Dorion a relevé le défi avec son amie romancière québécoise, Marie-Claire Blais, en co-écrivant le livret d’un opéra : Yourcenar-Une île de passions en 2022. 

La nature dans le contexte artistique contemporain

L’Office national des forêts en France (ONF) a pour défi de revitaliser la forêt. Elle envisage deux leviers d'action : le levier technique (l'adaptation de nos manières de faire pour permettre aux forêts d’avoir une meilleure résilience, notamment en diversifiant les essences) et le levier artistique pour sensibiliser le public à la fragilité de cet espace.

Plusieurs artistes ont été sollicités par l’ONF :

Fabrice Hyber, plasticien français né en 1961, qui a notamment, depuis les années 1990, fait pousser, autour de la ferme de ses parents en Vendée, 300 000 graines d’arbres de centaines d’essences différentes, transformant ainsi les terres agricoles en un paysage devenu une œuvre d’art. Une exposition intitulée La Vallée lui a été consacrée à la fondation Cartier, à Paris, du 8 décembre 2022 au 30 avril 2023.

L’ONF s’est aussi rapproché de Pablo Reinoso, artiste franco-argentin qui travaille le bois, de Sara Favriau, une artiste sculptrice inspirée par les forêts ou encore de Lionel Sabatté, pour qui la nature est un lieu inépuisable d’inspiration (l’exposition de ses œuvres dans le domaine de Chambord en 2023 en est un exemple). Nous pensons également à l’exposition « Among the Trees » et à la forêt de carton d’Eva Jospin. Enfin, le land art est une forme d’art contemporain qui poétise la forêt, empruntant son cadre et ses matériaux pour une création souvent éphémère.

Cette poétisation de la forêt se retrouve dans l’œuvre d’Hélène Dorion puisqu’elle est aussi une métaphore de notre intimité, parfois ravagée par l’incendie, parfois éclairée par l’aube y dessinant un chemin.

Prolongements

• D'autres articles permettent de mieux connaître Hélène Dorion, son contexte de création et son recueil Mes forêts.

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• Des pistes pédagogiques proposent également aux enseignants des axes pour étudier l'œuvre d'Hélène Dorion avec leurs élèves :

Niveaux: Lycée général et technologique - Lycée professionnel

Hélène Dorion – La musique, l'écriture, le mystère

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• Un court-métrage, réalisé par Pierre-Luc Racine, donne à entendre la voix d'Hélène Dorion lisant l'un de ses poèmes de son recueil « Mes forêts » : Le Bruissement du temps.

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