PISTE PÉDAGOGIQUE

Le processus d'assassinat systématique des Juifs en Pologne. La mise à mort à Treblinka (3/3)

Copyright de l'image décorative: © INA

Par Iannis Roderprofesseur d'histoire-géographie
Publication : 17 avr. 2023 | Mis à jour : 11 avr. 2024

Niveaux et disciplines

À partir de l’exemple de la liquidation du ghetto de Varsovie, cette piste pédagogique vise à expliquer comment les nazis ont envisagé l’assassinat industriel de millions de personnes, hommes, femmes et enfants. Elle propose un focus sur le processus d’assassinat systématique à partir d’un témoignage et de l’interview d’Abraham Bomba dans le film Shoah, de Claude Lanzmann.

Place dans le programme

Objectifs pédagogiques

Problématique

Il s’agit de mettre en exergue la volonté d’assassinat systématique des juifs par les nazis en insistant sur les aspects méthodiques et industriels de cette politique génocidaire.

Durée et organisation de l'activité

Une session d'une heure à 1 h 30 en fonction des niveaux de classe et des propositions de mises en œuvre.

Repères historiques

     

Chronologie

La pologne aux mains des nazis: Frise chronologique

Frise chronologique intitulée "La Pologne aux mains des nazis"

  • Octobre 1939 : création du Gouvernement général de Pologne
  • Octobre 1939 : premier ghetto créé en Pologne
  • Octobre-novembre 1940 : mise en place du ghetto de Varsovie
  • Juin 1941 : début de l’invasion allemande de l’URSS, premières tueries par les Einsatzgruppen
  • Août 1941 : généralisation des assassinats des juifs sur les territoires de l’URSS conquis par les nazis
  • Hiver 1941-42 : décision du génocide
  • 20 janvier 1942 : Conférence de Wannsee visant à l’organisation du génocide, appelée « la Solution finale de la question juive » par les nazis.
  • Mars 1942 : début de « l’Aktion Reinhard »
  • Mars 1942 : 1er convoi partant de France pour Auschwitz
  • Eté 1942 : généralisation des déportations, principalement vers Auschwitz, à partir de l’Europe de l’Ouest (France, Belgique, Pays-Bas).
  • Juillet 1942 : généralisation des déportations dans le Gouvernement général
  • Mars 1943 : début des déportations des juifs de Grèce vers Auschwitz
  • Avril 1943 : insurrection du ghetto de Varsovie
  • Novembre 1943 : liquidation des derniers juifs du Gouvernements général
  • Novembre 1943 : Après le démantèlement des centres de mise à mort de l’Aktion Reinhard, Auschwitz devient l’épicentre de la « Solution finale ».
  • Mai-juillet 1944 : grandes déportations de Hongrie vers Auschwitz
  • Juillet 1944 : les Soviétiques découvrent les traces de Treblinka
  • Janvier 1945 : Libération, par les Soviétiques, du complexe d’Auschwitz
Téléchargez ici la frise chronologique de la Pologne aux mains des nazis de 1939 à 1945

Les ghettos en Pologne en 1940

Carte des ghettos dans le gouvernement général de Pologne en 1939-1941

Carte des ghettos dans le gouvernement général de Pologne en 1939-1941. Les différents pays représentés sont:

  • l'URSS
  • la Lettonie
  • la Lituanie
  • l'Allemagne
  • la Bohême-Moravie
  • la Slovaquie
  • la Hongrie
  • la Roumanie

La ligne de démarcation germano-soviétique est représentée par un trait blanc courant de la mer baltique, au nord jusqu'à la hongrie, au sud. La frontière du gouvernement général de pologne sont beaucoup plus restreintes que ne l'est la pologne en 1939, empiétées à l'est par l'URSS et à l'ouest par l'allemagne. Les différents ghettos représentés sur la carte, tous situés dans le gouvernement général de pologne sont les suivants (du nord au sud):

  • Varsovie
  • Minsk Mazowiecky
  • Lodz
  • Tomaszow Mazowiecki
  • Radom
  • Starachowice
  • Beichatow
  • Lublin
  • Opole Lubelskie
  • Kielce
  • Czestochowa
  • Bedzin
  • Sosnowiec
  • Tarnow
  • cracovie

Répartition des ghettos dans le gouvernement général de Pologne en 1939-1941. Données : United States Holocaust Memorial Museum. Graphisme : Patrick Bonaldi, INA.

Téléchargez ici la carte des ghettos dans le gouvernement général de Pologne

Phase 1 : Analyse du récit historique d’un survivant juif

Informations sur Abraham Bomba, survivant de Treblinka

Déporté du ghetto de Czestochowa (Pologne) avec sa femme et son bébé de quelques semaines qui sont assassinés dès leur arrivée, le 25 septembre 1942, il est choisi pour travailler au triage des habits des personnes qui seront assassinées. Il est ensuite affecté à une autre tâche et devient coiffeur dans les nouvelles chambres à gaz de Treblinka [1] Les cheveux des femmes ont été coupés à l’intérieur des chambres à gaz pendant seulement une dizaine de jours, comme le dit justement Bomba. Ils ont été coupés ensuite dans une pièce d’une baraque située à l’entrée du boyau conduisant aux chambres à gaz. Bomba ne fait pas clairement la distinction entre les deux lieux. La scène où il parle de bancs, de seize ou dix-sept coiffeurs et de cent quarante à cent cinquante femmes (Claude Lanzmann, Shoah, Folio, p. 165 et 166) se déroule certainement dans la baraque. Les plus grandes chambres à gaz à Treblinka n’excédaient pas 49 m². (extrait de la note 90 du livret pédagogique acompagnant le film Shoah, de Claude Lanzmann). .
Abraham Bomba s’échappe de Treblinka avant la révolte, en janvier 1943, et retourne dans son ghetto. Il échappe aux rafles et arrestations. Il survit à la guerre, émigre aux États-Unis avec sa deuxième femme où il ouvre un salon de coiffure à New York. C’est là que Claude Lanzmann le trouve en 1974. Il le filme trois ans plus tard en Israël où Bomba s’est installé à la retraite. Il meurt le 19 février 2000.

 

Consigne : Visionnez la vidéo et répondez aux questions sur le récit historique.

question 1

En quoi consistait le travail d’Abraham Bomba ? Où travaillait-il ?

question 2

À quelle étape du processus de mise à mort nazie se situe son travail ?

question 3

Les victimes savaient-elles ce qui allait leur arriver ?

question 4

Pourquoi, à votre avis, Abraham Bomba ne peut-il pas leur dire ?

Bilan de la phase 1

Deux mille personnes d'un même convoi étaient assassinées et éliminées en quelques heures. Les corps étaient jetés dans des fosses communes par des prisonniers juifs (qui ne sont pas nommés « Sonderkommando » dans les centres de mise à mort de l’Aktion Reinhard). Ces fosses sont ouvertes à partir de la fin de l’année 1942 et les cadavres brûlés durant des mois.

Phase 2 : Analyse de la mise en scène au service du récit historique

Informations sur le camp de Treblinka

Ce camp d'extermination ouvre avec la liquidation du ghetto de Varsovie en juillet 1942. Il ferme à la suite la révolte du 2 août 1943 des commandos juifs qui travaillent dans le processus de mise à mort. Près de 300 prisonniers s’enfuient après avoir tué quelques SS et gardes ukrainiens. Une quarantaine de prisonniers échappés sont encore vivants à la fin de la guerre. Plus de 850 000 personnes furent assassinées à Treblinka.

 

Consigne : Visionnez la vidéo et répondez aux questions sur la mise en scène au service du récit historique.

question 5

Où se déroule la scène ?

question 6

Qu’utilise le cinéaste pour distinguer le témoin des autres personnes présentes ?

question 7

Que fait le témoin ?

question 8

Comment analysez-vous le jeu de la caméra avec les miroirs au fur et à mesure que le témoignage avance ?

question 9

Que pensez-vous de la manière dont il parle ?

Éléments de correction

Bomba a un parler très franc, très sec, dépourvu d’émotions. Il parle comme il coupe les cheveux, de manière mécanique, comme un robot. Le professeur peut poser la question : Pourquoi cette manière mécanique de parler ?. Il s’agit d’un procédé de défense. En parlant avec distance, Bomba se protège de ses émotions, exactement comme il nous fait comprendre qu’il le faisait à Treblinka. Claude Lanzmann lui pose plusieurs fois la question : Que ressentiez-vous ? et Bomba esquive la réponse pour ne pas avoir à faire face à ses sentiments, comme lorsqu’il était dans la chambre à gaz de Treblinka. C’était, là-bas, ce qui lui avait permis de ne pas s’effondrer émotionnellement et psychologiquement, ce qui aurait immédiatement entraîné son assassinat par les gardes SS ou ukrainiens. Il reproduit ici cette distanciation. 

question 10

Y a-t-il un moment où son attitude change ? Que s’est-il passé ?

question 11

Que lui dit alors Claude Lanzmann ? Pourquoi ? Qu’en pensez-vous ?

Une proposition de bilan

La destruction des Juifs du gouvernement général de Pologne par l’exemple des Juifs de la ville et du ghetto de Varsovie permet d’insister sur la vitesse d’exécution, la concomitance des mises en œuvre locales et la violence des procédés.

La Pologne, dans ses frontières de 1939, a été l’épicentre du génocide : sur les 3 300 000 Juifs qui y habitaient, environ 15 000 sont parvenus à survivre sur ce territoire et, si les Juifs polonais sont 250 000 en 1946, ils le doivent au retour d’URSS de ceux que Staline avait réprimés au moment de l’occupation de la Pologne par les Soviétiques de septembre 1939 à juin 1941.

La Pologne contemporaine ne compte quasiment plus de Juifs (entre 15 000 et 30 000 selon les estimations) car des campagnes antisémites en ont fait fuir des dizaines de milliers après-guerre et en 1967-1968. Mais le paysage de ce pays est rempli de vestiges de leur présence (cimetières abandonnés, synagogues délabrées, maisons d’étude – yeshiva –, bains rituels – mikvé –, etc). Ces vestiges sont la marque du génocide : l’effacement d’un peuple.

 
 

Pour aller plus loin

• Le 19 avril 1943, des résistants juifs prennent les armes contre les troupes nazies qui tentent de liquider la population du ghetto. Retour sur les 27 jours de l'insurrection avec notre article.

Niveaux: Cycle 4 - Lycée général et technologique - Lycée professionnel

19 avril 1943 : l’insurrection du ghetto de Varsovie

• Retrouvez également nos deux autres pistes pédagogiques sur le processus d'assassinat systématique des Juifs en Pologne, également pour les élèves du cycle 4 et du lycée.

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