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Francis Ponge : contexte historique

Copyright de l'image décorative: © Bernard Dumont, INA

Par Jean-Clément Martin BorellaJournaliste histoire et culture
Publication : 13 mars 2024 | Mis à jour : 13 mars 2024

Niveaux et disciplines

Né dans un siècle marqué par deux guerres mondiales, séduit par la grande lueur qui pointait à l'Est à partir de 1917, Francis Ponge aurait pu choisir un ou des combats de son temps. Mais aucun parti, comme aucun mouvement artistique n'ont jamais eu raison de lui. Les mots ont été, tout au long de sa vie, la seule véritable révolution qu'il a souhaité mener.

 

Né en 1899 et mort en 1988, Francis Ponge est un homme de ce long XXe siècle, de ses grands tourments, de ses profonds bouleversements. Il est adolescent quand éclate la Première Guerre mondiale, le 3 août 1914. Un conflit de plus de quatre ans, à l’intensité et à l’échelle inconnues jusqu’alors.

D'une guerre...

Déclenchée par l’exacerbation des rivalités et l’accumulation des rancœurs entre pays européens, cette guerre concernera très vite le monde entier, des États-Unis au Japon. Elle sera marquée par une révolution des techniques de combat : utilisation des aéronefs et des premiers avions, des véhicules blindés motorisés, des sous-marins, du gaz chimique… Un nouvel art de la guerre qui sonne la fin du XIXe siècle et l’entrée dans l’ère de la technologie meurtrière.

Âgé de 17 ans, Ponge n’est pas concerné par la mobilisation, mais, patriote, veut s’engager en tant que volontaire. Une violente crise d’appendicite l’en empêche. En 1918, il est de la classe d’âge mobilisée, mais il tombe à nouveau malade. Des problèmes de santé qui, de son propre aveu, lui ont « sûrement sauvé la vie ». 

... à une révolution

En 1917 éclate la révolution russe, qui porte Lénine et les bolcheviks au pouvoir. Révolté, peu à l’aise avec les principes de la société bourgeoise dans laquelle il vit, Francis Ponge suit avec enthousiasme cette « grande lueur à l’Est », selon la formule de Jules Romains. 

Date de la vidéo: 2020 Collection:  - La Grande Explication

La révolution russe

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Il se veut à distance, maximaliste, c’est-à-dire en faveur de l’adoption d’une série de mesures révolutionnaires établissant le socialisme. (Au contraire du programme minimum, qui vise à améliorer les conditions de vie du prolétariat en attendant la chute inévitable du capitalisme). 

Patriote français et partisan de la révolution bolchevique ? Francis Ponge explique, dans cette interview du 9 septembre 1971, qu’il a cru la conciliation possible, selon l’exemple des Jacobins sous la Révolution française. 

Date de la vidéo: 1971 Collection:  - Archives du XXe siècle

Francis Ponge et le contexte de 1917

De la tentation de l'engagement...

Logiquement, il rejoint la SFIO [1] Parti politique constitué par la fusion du parti socialiste français, du parti socialiste de France, du parti ouvrier socialiste révolutionnaire et de plusieurs fédérations autonomes.  à la fin du premier conflit mondial, puis le parti communiste en 1937. Directeur artistique et littéraire d’Action entre 1944 et 1946, un hebdomadaire proche des communistes, il quitte finalement le parti en 1947, estimant que cette adhésion influe sur sa liberté individuelle d’écrivain. Pour la même raison qu’il refusait de rejoindre le groupe surréaliste, il s’éloigne de l’engagement politique actif pour mener son combat littéraire.

Cette volonté de se mettre à l’écart des grandes tendances s’explique par son hostilité à l’idée d’une réalité qui ne serait exprimable qu’au travers d’un seul point de vue. Agent de liaison au sein de la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, il avait été témoin du succès d’un obscurantisme (le nazisme), résultat qui accompagne souvent les positions dogmatiques.

... à son seul combat : la littérature

Antisectaire, Francis Ponge estime que son devoir d’artiste est de déstabiliser l’ordre social par une refonte du langage. Sa révolte est dans la reprise du sens des mots, un « escalier de bois jamais ciré » (Le Parti pris des choses), et c’est d’ailleurs en 1952, quelques années après la guerre, qu’il publie La Rage de l’expression, laboratoire ouvert de ses tentatives de requalification des choses qui nous entourent.

Pour Francis Ponge, l’œuvre d’un artiste doit être le condensé d’un moment de civilisation. Sa période d’analyse, et de succès, coïncide avec l’émergence d’une société qui croit trouver dans la consommation et la croissance une voie de salut. Des grands mots qui cachent un manque de sens, que lui s’attache à retrouver.

 « À mi-chemin de la cage au cachot la langue française à cageot, simple caissette à claire-voie vouée au transport de ces fruits qui de la moindre suffocation font à coup sûr une maladie. » 

Francis Ponge, Le Cageot, dans Le Parti Pris des choses, Gallimard, 1942.

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Niveaux: Lycée général et technologique - Lycée professionnel

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