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Biodiversité : menaces et solutions

Copyright de l'image décorative: © Unsplash / Dawid Zawila

Par Axelle Szczygieljournaliste
Publication : 23 mai 2023 | Mis à jour : 19 déc. 2023

Niveaux et disciplines

Nous ne sommes qu'une espèce parmi tant d'autres. Ajoutons, en passant, que, face aux extinctions multipliées d'espèces dont nous sommes aujourd'hui responsables, nous mériterions, seuls, le qualificatif d'espèce hautement nuisible à l'harmonie et à la préservation de la biodiversité. Prenant la défense des espèces qu’il juge injustement qualifiées d’« animaux nuisibles » et de « mauvaises herbes », l’astrophysicien et écologiste Hubert Reeves remet, au début des années 2000, l’être humain à sa place et pointe du doigt son immense responsabilité dans la destruction du vivant. Vingt ans plus tard, sa diatribe garde toute sa force.

Entre 1970 et 2016, la Terre aurait vu disparaître près de 68 % des populations de vertébrés. Un rythme que le Fonds mondial pour la nature (WWF) estime à 100 à 1 000 fois supérieur au taux naturel d'extinction. Et le déclin se poursuit : un million d’espèces animales et végétales pourraient disparaître dans les prochaines décennies selon un rapport de 2019 de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), le « GIEC de la biodiversité ». Si le nombre d’espèces évolue naturellement en permanence, il est acquis, au sein de la communauté scientifique, que les activités humaines sont aujourd’hui la principale raison de ces disparitions.

Riche, généreuse, bienfaitrice, la biodiversité est aujourd'hui, malgré tout ce qu'elle nous apporte, méprisée, malmenée, menacée. Urbanisation, transports, pollutions, surexploitation des ressources... Ce dossier thématique à destination des collégiens et des lycéens détaille les différents éléments qui viennent perturber son équilibre. Il met cependant aussi en valeur les mesures qui, bien heureusement, sont mises en place pour la protéger.

Ce qui menace la biodiversité

     

L’artificialisation des territoires

L’urbanisation et le développement des infrastructures de transport sont la cause principale du morcellement et de la destruction des écosystèmes. Par exemple, en construisant des barrages sur les cours d’eau, l’homme perturbe la libre circulation et le cycle de reproduction de certaines espèces animales.

En 1971, l’émission La France défigurée dénonçait déjà les déboisements abusifs et le greenwashing [1] Ou écoblanchiment. Utilisation fallacieuse d’arguments faisant état de bonnes pratiques écologiques dans des opérations de marketing ou de communication. de certains promoteurs immobiliers.

Date de la vidéo: 1971 Collection:  - La France défigurée

La déforestation abusive

La pollution des eaux, du sol, de l’air

Microplastiques, déchets, résidus de métaux lourds ou de médicaments, mais aussi nanoparticules, ondes électromagnétiques : toutes ces pollutions détruisent ou modifient les écosystèmes et les espèces. À titre d’exemple, chaque année, ce sont plus d’un million d’oiseaux marins et plus de 100 000 mammifères marins qui meurent à cause des déchets plastiques : 8 millions de tonnes déversées annuellement dans les océans.

Date de la vidéo: 2018 Collection:  - Du grain à moudre

Peut-on se passer de plastique ?

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Les pesticides, des composés chimiques dotés de propriétés toxicologiques utilisés pour lutter contre les parasites, sont également responsables d’une véritable hécatombe. L’analyse, par un vaste groupe d’experts (INRAE, Ifremer…), de quelque 4 000 études publiées ces vingt dernières années sur la question, et dont les résultats ont été dévoilés en 2022, permet d’affirmer que les produits phytosanitaires sont une des causes majeures du déclin des populations d’invertébrés terrestres (insectes pollinisateurs, coléoptères), d’oiseaux communs, de chauves-souris ou encore d’amphibiens.

Vidéo sur les pesticides sur le site de l'AFP

L'illustration est une capture d'écran du site de l'afp montrant une vidéo qui représente 3 bidons de pesticides: les herbicides, les fongicides et les insecticides. La vidéo est classifiée en sciences humaines et sociales, sciences, collège et Lycée.

Dans ce podcast, Grégoire Loïs, écologue au Muséum national d’Histoire naturelle, revient sur l’historique de ce « massacre silencieux ». Tout est parti d’une bonne intention, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le passage à une agriculture intensive avec des pesticides visait à prévenir les faibles récoltes et à nourrir correctement toute la population. « Il fallait qu’il y ait du pain et du lait sur toutes les tables », résume Grégoire Loïs.

Date de la vidéo: 2020 Collection:  - Pour que Nature vive (podcast)

Le printemps silencieux aura-t-il lieu ?

Au-delà des pollutions qui affectent les sols, l’air et l’eau, il existe des pollutions moins visibles, mais tout aussi impactantes, à l’instar des pollutions sonore ou lumineuse.

Ce reportage – réalisé en 2009 pour Complément d'enquête (France 2) – met en avant le fait que, chaque nuit, une multitude d’insectes vient mourir en haut des réverbères. « Un monde microscopique qui confond désormais le jour et la nuit »,  indique le journaliste. « La plupart des papillons sont migrateurs, précise de son côté l’écologue Florent Lamiot. S’ils passent toute la nuit à tourner autour des lampadaires, ils s’épuisent, perdent leurs forces et ne peuvent plus aller là où ils doivent se reproduire. »

La surexploitation des ressources

La surexploitation des ressources compromet également gravement le fonctionnement des écosystèmes et leur renouvellement. La surpêche, par exemple, est une pêche trop intensive pour permettre le renouvellement des ressources marines. En 2012, Yann Arthus-Bertrand relayait l’alerte de nombreux scientifiques : « 1 % des bateaux pêchent 50 % du poisson que l'on consomme... Il faut arrêter de subventionner la pêche industrielle », alertait-il.

Date de la vidéo: 2012 Collection:  - Journal de 20 heures

La menace de la surpêche

Malgré la réforme de la politique européenne commune de la pêche (2014), seuls 51 % des débarquements étaient, en 2022, issus de populations de poissons considérées comme en bon état ou reconstituables (source : Ifremer). On est encore loin de l'objectif de 100 % de pêche durable en France fixé par l'Europe pour l'année 2020 !

L’expansion des terres agricoles

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), 420 millions d’hectares de forêts ont disparu entre 1990 et 2020, ce qui représente environ 10 % des forêts dans le monde et une superficie supérieure à… l’Union européenne ! Principale cause de la déforestation ? L’explosion de notre consommation de produits d’importation tels que l’huile de palme, le soja, la viande de bœuf, le cacao ou encore le café, qui nécessitent l’exploitation de toujours plus de terres agricoles.

« Entre 1990 et 2015, l’équivalent de 800 terrains de football de forêts ont disparu chaque heure de la surface de la planète », est-il expliqué dans cet épisode du Dessous des cartes, qui propose ensuite un focus sur la situation en Amazonie et dans le bassin du Congo.

Date de la vidéo: 2020 Collection:  - Le Dessous des cartes

Un monde de forêts

Le changement climatique

Aux pressions d’origine humaine s’ajoutent les perturbations du climat : la planète s’est déjà réchauffée de 1,2 °C depuis l’ère préindustrielle. Et si la tendance actuelle d’émissions de carbone se maintient, la température moyenne de l’Hexagone sera, en 2100, de 3,8 °C supérieure à celle du début du XXe siècle. Un réchauffement qui se produit beaucoup trop vite pour qu’une multitude de plantes et d’animaux puissent s’y adapter. Les espèces endémiques, qui ne peuvent vivre ailleurs que dans leur écosystème, sont les plus menacées : le renard polaire, le koala, le manchot empereur ou le saumon sauvage d’Europe, pour ne citer que les plus emblématiques. Le réchauffement climatique va également avoir des répercussions sur la répartition géographique des espèces et, donc, sur toute la chaîne alimentaire.

Les espèces végétales sont elles aussi menacées, rappelle ce reportage. Un quart, voire la moitié des plantes, pourrait disparaître d’ici 2080. En première ligne : les plantes de montagne, particulièrement vulnérables.

La prolifération d’espèces exotiques envahissantes (EEE)

Ces espèces – introduites volontairement ou involontairement par l’homme sur un territoire, hors de leur aire de répartition naturelle – représentent de véritables menaces pour les écosystèmes, les habitats naturels ou les espèces locales, notamment dans les milieux insulaires. Pourquoi ? Parce qu’elles accaparent une part trop importante des ressources (espace, lumière, ressources alimentaires, habitat…) dont les autres espèces ont besoin pour survivre. Elles sont parfois aussi les prédatrices directes des espèces locales.

En Gironde, une association surveille de près la grenouille taureau. Venue de la côte est des États-Unis dans les années 1960, dans les bagages d’un habitant de la Gironde, elle a proliféré et envahi tout le département, puis la Dordogne. Carnivore, elle s’attaque aux autres espèces d’amphibiens qui sont, elles, protégées. Des campagnes d’éradication ont depuis été menées par l’Office français de la biodiversité, sans toutefois en venir à bout.

Le trafic d’espèces

Pesant jusqu’à 21 milliards d’euros par an, le commerce illégal d’espèces sauvages est considéré comme l’une des activités les plus lucratives au monde, derrière le trafic de drogue et le trafic d’armes. C’est aussi l’un des facteurs majeurs d’érosion de la biodiversité : il peut en effet affaiblir considérablement la flore et la faune sauvage et, dans certains cas, les conduire à l'extinction. Le rhinocéros noir d’Afrique de l’Ouest, braconné pour ses cornes utilisées dans la médecine traditionnelle chinoise, s’est par exemple éteint en 2011. Ce trafic touche tous les pays du monde, ainsi qu’un large éventail d'espèces, des anguilles aux pangolins en passant par le bois de rose. 

Ce reportage revient sur une saisie record à Singapour en juillet 2019 : 9 tonnes d’ivoire issues des défenses d’éléphant et 12 tonnes d’écailles de pangolin.

Les mesures pour protéger la biodiversité

Respect pour la bioversité ! Aux outrages qu'elle subit depuis tant d'années s'opposent de plus en plus d'initiatives positives pour la préserver. Réintroduction et protection d'espèces et d'espaces, agriculture raisonnée... Beaucoup est fait, ici et là, pour que la nature, enfin, reprenne sa place.

La création d’espaces protégés

Dès le début du XXe siècle, plusieurs pays, parmi lesquels la Suède, la Suisse, l’Espagne ou encore l’Italie, se sont dotés de parcs nationaux. La France a suivi en créant notamment, en 1913,  le parc national de la Bérarde.

Beaucoup d’autres dispositifs, aux règles de protection bien différentes, ont vu le jour depuis, des espaces naturels sensibles aux réserves intégrales, en passant par les parcs naturels régionaux ou les sites Natura 2000. Objectif : tenter de s’adapter à chaque contexte local et concilier dans la mesure du possible les différents intérêts. Une gageure.

Ce reportage sur la mise en place du parc naturel national de Guyane met en avant la multiplicité des intérêts des populations amazoniennes et la difficulté de concilier l'attractivité de « l'or jaune » et la nécessaire protection du fragile « or vert ». Treize années après ce document, le parc était seulement en train de devenir une réalité. Aujourd’hui, la protection de l’environnement reste complexe dans ce territoire ultramarin : le 25 mars 2023, un gendarme a été tué lors d’une opération de lutte contre l’orpaillage illégal.

Date de la vidéo: 1994 Collection:  - Journal régional - Outre-mer

Le Parc naturel national de Guyane

 

Lorsque les niveaux de protection sont élevés, les résultats sont au rendez-vous : d’après une étude de 2019 de la Fédération des réserves naturelles de France, si les populations d’oiseaux communs ont baissé en moyenne de 6,6 % dans l’Hexagone entre 2004 et 2018, elles ont en revanche augmenté de 12,5 % dans les réserves naturelles. Fin 2022, lors de la COP15 à Montréal (Canada), 196 pays signataires se sont engagés à protéger 30 % de la planète d’ici à 2030. 

La protection des espèces elles-mêmes

La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), née en 1975 de l’accord entre 80 États, a pour but de veiller à ce que le commerce international des spécimens d'animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces. À ce jour, quelque 6 610 espèces animales et 34 310 espèces végétales sont protégées par la CITES de la surexploitation.

Dans cet extrait d’une émission de 2016, qui revient sur la 17e réunion de la CITES, Jacques-Olivier Barthes, directeur de la communication de WWF France, évoque un changement de mentalité des États. « On va dans le bon sens », assure-t-il. « Mais le cheminement est trop lent par rapport à la chute des espèces. »

Le développemet de l’agroécologie

Alternative à l’agriculture intensive, l’agroécologie promeut une production viable et respectueuse des hommes et de l’environnement. Depuis les années 2000, ce modèle d’agriculture naturelle, dans lequel chaque plante, insecte ou animal interagit dans un cercle vertueux, connaît un essor important en France. Aujourd’hui, près de 3 millions d’hectares sont cultivés en bio, soit plus de 10 % de la surface agricole française. C’est, selon l’Agence Bio, presque trois fois plus qu’en 2012.

À la ferme biologique du Bec-Hellouin, on s’inspire des milieux naturels et on recherche une production optimum dans la durée, économe en énergie et en eau, et respectueuse du vivant, des sols et de ses occupants. 

 

Une meilleure réglementation des pratiques trop destructrices

Selon l’association France Nature Environnement, le chalut de fond ou sa variante, les sennes démersales, sont les techniques de pêche les plus destructrices et les plus nuisibles : ces engins peuvent racler jusqu’à 41 % des invertébrés présents dans les fonds marins. Et pourtant, ces méthodes de pêche sont encore fortement pratiquées, y compris dans les aires marines protégées. D’après une étude de l’ONG Seas at risk, interdire ces pratiques permettrait de lutter contre le déclin de la biodiversité marine et serait même… plus rentable !

Dans les eaux australes, le travail entre scientifiques et pêcheurs a permis de réduire les impacts sur les écosystèmes, explique Charlotte Chazeau, chargée d’études scientifiques au Muséum national d’Histoire naturelle. Au point que les populations de poissons de ces eaux ne sont aujourd'hui plus menacées de disparition.

Modifier les habitudes de consommation

Le 19 avril 2023, le Parlement européen a adopté une nouvelle législation qui interdit de vendre dans les États membres un certain nombre de marchandises issues de la déforestation (chocolat, café, bois, caoutchouc…). Concrètement, l’importation de ces produits sera purement et simplement interdite si ces derniers sont issus de terres déboisées après décembre 2020. À charge pour les entreprises importatrices de prouver leur traçabilité via des données de géolocalisation des cultures, qui pourront être associées à des photos satellitaires. S’il s’agit d’une grande avancée aux yeux de certains eurodéputés, ce n’est qu’un simple « premier pas » pour l’ONG Greenpeace. 

 

Pour aller plus loin

Un dossier thématique

Ce dossier thématique à destination des collégiens et des lycéens vous aidera à définir la notion de biodiversité et à donner un aperçu de ses bienfaits. La biodiversité couvre nos besoins vitaux, nous protège contre les risques environnementaux et climatiques et se révèle une alliée précieuse pour l'agriculture.

Pour que nature vive : un podcast du Muséum

Alors que notre environnement est en danger, les scientifiques du Muséum national d'Histoire naturelle prennent la parole pour alerter. La série de podcasts Pour que nature vive a pour thème central la nature : mieux la connaître pour mieux la préserver. Dans chaque épisode de 30 minutes, une chercheuse ou un chercheur partage ses connaissances et solutions pour mieux comprendre le vivant et le monde qui nous entoure.

L’eau douce : répartition, surveillance et gestion

Moins de 3 % de l’eau présente sur notre planète est douce. Pour exploiter cette ressource fragile si essentielle à sa survie, l’homme multiplie les innovations.

Parler du changement climatique en classe

Pénurie d’eau, malnutrition, exode, catastrophes naturelles… : il est aujourd’hui nécessaire d’agir au plus vite pour réduire notre impact sur le climat. Comment en sommes-nous arrivés là ? Que pouvons-nous concrètement faire pour sauver le monde tel que nous l’aimons ? Autant de questions cruciales à aborder avec les élèves pour les aider à comprendre les enjeux du développement durable et leur permettre de devenir des citoyens responsables.

Niveaux: Cycle 2 - Cycle 3 - Cycle 4 - Lycée général et technologique - Lycée professionnel

Parler du changement climatique en classe

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Comment penser la sensibilisation au changement climatique de façon plus pédagogique ? Comment s’engagent les éducateurs ? Comment en parler aux enfants ? L’éducation est-elle à la hauteur de l’urgence écologique ? Ces questions brûlantes sont aussi des sujets d'éducation, estime la journaliste Louise Tourret sur France Culture.

Changement climatique et risques en Floride

À partir d'un documentaire audio de RFI, cette piste pédagogique rédigée par une professeure de géographie propose de réfléchir à la question suivante : comment la Floride, État densément peuplé, fait-elle face aux risques engendrés par le changement climatique ? 

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