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Germaine Tillion, l'éternelle engagée

Copyright de l'image décorative: © MNHN

Par Véronique Chalmetécrivaine et journaliste spécialisée en histoire
Publication : 18 avr. 2023 | Mis à jour : 19 déc. 2023

Niveaux et disciplines

Pour moi, la résistance consiste à dire non. Mais dire non, c'est une affirmation ! C'est très positif, c'est dire non à l'assassinat, au crime. Il n'y a rien de plus créateur que de dire non à l'assassinat, à la cruauté, à la peine de mort, disait Germaine Tillion le 22 novembre 2002[1] Source : Interview menée par Alison Rice, chercheuse à UCLA. Citation extraite de l'article Déchiffrer le silence. A Conversation with Germaine Tillion, publié en mars 2004 in Research in African Literatures, vol 35, n°1. . L'ethnologue, historienne et résistante, disparue le 19 avril 2008 à l'âge de 101 ans, a traversé les heures les plus sombres du XXe siècle sans jamais dévier de cette ligne de conduite. Un parcours qui évolue des massifs montagneux de l'Afrique du Nord aux camps de concentration nazis sans jamais infléchir son élan de compassion et son refus de l'injustice. Le travail et la vie de Germaine Tillion, indissociables l'un de l'autre, font d'elle l'un des plus infaillibles témoins de son temps. 

Une famille ouverte sur le monde

Née le 30 mai 1907 à Allègre, une petite ville de Haute-Loire, Germaine est la première enfant du magistrat Lucien Tillion et de l'écrivaine Émilie Cussac. Son père est passionné de photographie et de musique ; sa mère, d'art et d'histoire.

Elle apprend très tôt que la connaissance est un trésor vital à enrichir sans cesse. Avec Françoise, sa cadette de deux ans, née en 1909, elle est élevée dans la passion des livres et des voyages : le couple Tillion lance la collection Les Guides bleus publiés par les éditions Hachette, parcourant la France et l'Europe pour les rédiger. Leur horizon est aussi vaste que leur curiosité ! Germaine et sa sœur apprennent à nager, naviguer et camper – ce qui lui servira plus tard pendant ses pérégrinations d'anthropologue.

Germaine Tillion, enfant, avec un costume de magistrat

Photo sépia de Germaine Tillion petite fille (1912). Souriante, elle est assise avec un livre ouvert devant elle. Elle porte un costume de magistrat

Germaine Tillion en 1912. © MNHN

 

La famille déménage à Saint-Maur-des-Fossés, en région parisienne, en 1922, mais, trois ans plus tard, Lucien meurt à 58 ans d'une pneumonie. Germaine, 18 ans, aide alors sa mère, Émilie, à écrire ses guides.

Photographie de Germaine Tillion assise dans un fauteuil aux côtés de sa mère

Installées sur un terrasse aux beaux jours, Germaine Tillion est assise dans un fauteuil aux côtés de sa mère, Émilie, assise sur une chaise. Elles sourient toutes les deux. Germaine Tillion est de profil et a les yeux baissés vers un chien qu'elle caresse.

Germaine Tillion et sa mère, Émilie, en juin 1940. © MNHN

 

Parallèlement, la jeune femme entreprend en 1926 des études d'archéologie à l'École du Louvre. Puis c'est la préhistoire à la Sorbonne, l'égyptologie, l’histoire des religions et le folklore à l’École pratique des hautes études et l’ethnologie à l’institut d’ethnologie, où elle rencontre en 1928 celui qui devient son mentor : Marcel Mauss (1872-1950) – considéré comme le père de l'anthropologie française. Tout ce qui touche à la compréhension des humains la fascine, leur grandeur comme leur part d’ombre…

Carte d'étudiante de Germaine Tillion en 1934

Photo d'identité en noir et blanc de la carte d'étudiante de Germaine Tillion en 1934.

Carte d'étudiante de Germaine Tillion en 1934. © MNHN

 

Lorsqu'elle se rend, fin 1932, en Prusse-Orientale (actuelle Allemagne), elle se rend compte du drame qui se prépare en Europe : le 30 janvier 1933, Hitler est nommé chancelier (l'équivalent du Premier ministre) par le président Hindenburg. En quelques mois va s'installer la dictature nazie, qui durera onze ans et entraînera le monde dans une guerre qui fera plus de 60 millions de morts.

1934 : première mission d’ethnologue

En 1934, à 27 ans, Germaine Tillion est recrutée par l’Institut international des langues et des civilisations africaines, basé à Londres, pour mener une mission ethnographique dans l'Aurès, un massif de l'Est algérien. Jusqu'en 1938, Germaine y partage la vie des Chaouïas, peuple semi-nomade dont elle apprend la langue et les coutumes.

Germaine Tillion et Si Lghazali dans l'Aurès (Algérie)

Sur cette photo en noir et blanc prise en 1934 dans l'Aurès (Algérie), Germaine Tillion est assise sur un tapis avec un chien, adossée à un mur de pierre et à l'abri du soleil. À ses côtés se trouvent Si Lghazali et un autre homme, tous deux en habit traditionnel blanc.

Avec Si Lghazali dans l'Aurès (Algérie), en 1934. © MNHN

 

L'expérience du terrain est alors très rare chez les universitaires français – surtout les femmes ! –, mais Germaine Tillion se moque des conventions. Elle invente ses propres outils d'étude : J’apprenais à écouter ce que chacun me disait, à ne pas savoir d’avance ce qu’il allait me répondre et à garder secret ce qui devait l’être. Sa méthode, c'est d'être ouverte aux autres : Je n’ai pas de technique classique. Il y a un procédé que je n’utilise pas, c’est la question. Je ne questionne pas. Et je suis contre les questionnaires en ethnographie. Pour elle, l'empathie est la clef de la compréhension.

Pour l’Institut international des langues et des civilisations africaines, l'ethnographe explore à dos de mulet les montagnes, noue des liens d'amitié puissants avec les Algériens et parvient à s'imposer aux hommes de la tribu, ce qui lui fait écrire dans ses carnets de route : Dans une société extrêmement virile, quand, par hasard, une femme a de l'autorité, elle en a beaucoup plus qu'un homme. C'est incontestablement son cas ! Elle passera même son existence à le prouver... 

Date de la vidéo: 1969 Collection:  - Point contrepoint

Qui est Germaine Tillion ?

En 1939, elle obtient son diplôme d'ethnologie. En mai 1940, alors que sa quatrième mission s'achève, elle quitte l'Algérie et rentre en France, en pleine débâcle : le 17 juin 1940, elle entend à la radio Pétain annoncer l'armistice. 

Le choc est si violent qu'elle se courbe en deux pour vomir. La rage se mêle à l'indignation. Immédiatement, elle décide de s'opposer à la collaboration.

1940 : entrée dans la Résistance

Il faut s'organiser dans la clandestinité. Germaine Tillion rencontre un colonel en retraite, Paul Hauet, 73 ans, héros de la Grande Guerre, qui, sous couvert d'une association d'aide aux prisonniers de guerre – l'Union nationale des combattants coloniaux (UNCC) –, fait passer des renseignements aux Alliés, organise des évasions, cache des Juifs, diffuse des tracts contre le gouvernement de Vichy et fournit des faux-papiers. La maison de famille des Tillion, à Saint-Maur-des-Fossés, dans le Val-de-Marne, devient leur QG. Germaine fait la liaison avec 80 résistants : beaucoup sont des femmes, car les hommes ont été mobilisés.

Dès l'automne 1940, l'UNCC est en contact avec d'autres noyaux de résistance à Paris et en province (à Metz, Bordeaux, Blois). Un ami de Hauet, le colonel de La Rochère, fédère plusieurs autres groupes tandis que trois employés du Musée de l'Homme, Yvonne Oddon (bibliothécaire), Boris Vildé et Anatole Lewitsky (des ethnologues d’origine russe) ont mis sur pied un des premiers organismes de résistance dès octobre 1940. Ces groupes constituent ce que Germaine Tillion elle-même appellera après-guerre, en 1946, « le réseau du Musée de l'Homme ».

Mais le 5 juillet 1941, le colonel Hauet est dénoncé et arrêté. Il meurt en déportation le 3 janvier 1945. Dès lors, Germaine porte seule la responsabilité de l'organisation clandestine. Elle ne sait pas alors qu'un traitre se trouve parmi eux : l'abbé Robert Alesch (qui sera excommunié et fusillé en 1949). Le vendredi 13 août 1942, Germaine est arrêtée à la gare de Lyon, puis, quelques heures plus tard, c'est au tour de sa mère, Émilie, résistante elle aussi. Toutes deux sont incarcérées le 13 août 1942 à la prison de la Santé à Paris, puis déportées séparément en Allemagne. Prisonnières politiques, elles sont déportées sous le régime N.N. (Nacht und Nebel, Nuit et brouillard), c’est-à-dire condamnées à disparaître sans laisser de traces.

1943-1945 : résister à Ravensbrück

Le 31 octobre 1943, Germaine arrive au camp de femmes de Ravensbrück, à 80 km au nord de Berlin. C'est le plus grand camp de concentration pour femmes du Reich et le deuxième plus grand dans le système concentrationnaire en général, après Auschwitz-Birkenau.

 

Sa mère la rejoint à Ravensbrück le 31 janvier 1944. Le triangle rouge qui désigne les prisonnières politiques est cousu sur la veste de leur uniforme de déportées. Enfermées dans des secteurs séparés, elles ne pourront que s'apercevoir de loin, jusqu'à l'assassinat d'Émilie, le 2 mars 1945, dans une chambre à gaz du camp.

À Ravensbrück, les détenues subissent le froid jusqu'à -40 °C. Les tortures et les bastonnades sont systématiques, les bébés sont jetés dans les fours crématoires ou enterrés vivants, les expériences « médicales » vont jusqu'à la vivisection, les exécutions par pendaison, gazage ou empoisonnement sont quotidiennes... Les nazis ont tatoué le matricule 24588 sur le poignet de Germaine, niant ainsi son identité. Mais, dans les baraquements, une solidarité se met en place. Sans cette solidarité matérielle et morale, aucune déportée n'aurait pu survivre.

Dans cet extrait d’une émission d’avril 1967 consacrée aux témoignages d’anciennes déportées du camp de Ravensbrück, Marie-Claude Vaillant-Couturier, déportée en 1943, communiste et résistante, décrit la solidarité entre les prisonnières de tous horizons à l’intérieur du camp : Les nazis essayaient de dresser les détenues de différentes nationalités les unes contre les autres. (…) Mais nous sommes arrivées à créer une solidarité générale.

 

Ses compagnes de détention rebaptisent Germaine d'un surnom inventé par affection, Kouri, qui n’a aucune signification particulière. L'amitié contre la sauvagerie poussée à son paroxysme. La faim, la maladie font des ravages.

Dès les premières semaines, Germaine manque de succomber à la diphtérie, mais est sauvée grâce à ses compagnes. Elle se relève pour reprendre le combat, avec la volonté farouche de survivre, une volonté que la jeune femme attribue au hasard, ensuite à la colère, à la volonté de dévoiler ces crimes et enfin à une coalition de l'amitié. Kouri utilise son esprit comme bouclier. Dans le secret partagé avec ses codétenues, elle a l'audace d'inverser les termes du rapport de domination : de surveillée, elle se fait surveillante, reprenant son « métier » d’ethnographe pour étudier ses geôliers ; de victime, elle se fait observatrice. Selon ses propres termes, elle se met en chasse et récolte minutieusement – comme elle l'a appris – un maximum d'informations dans l'espoir de révéler plus tard au monde ce que les nazis ont commis. C’est un pari formidable : il faudra qu’elle survive pour témoigner. Et que sa parole soit documentée. Alors, elle tient les comptes.

Sur des feuilles et avec un crayon volés par ses compagnes – au péril de leur vie –, elle établit une chronologie minutieuse de l'activité du camp, calcule – grâce à leur numérotage – les arrivées et les disparitions, consigne l’origine des prisonnières et leur affectation par « blocks » ou baraques, enregistre les différentes formes de coercition et les horaires de travail. Pour n'être pas comprise des nazis qui pourraient l'entendre, elle apprend des rudiments de dialectes gitans et communique avec les Tziganes – parmi les plus suppliciées dans la hiérarchie des prisonnières. Pour entraîner ses camarades dans cette incroyable résistance, elle tient même, en avril 1944, une « conférence » clandestine sur les bénéfices personnels de Himmler (le chef de la SS et ministre de l’Intérieur du Reich) tirés de Ravensbrück et sur l'économie du système d'extermination par le travail.

Cette « explication » du camp d'extermination apporte aux détenues le réconfort de la compréhension : Ce que je n’oublierai jamais, ce fut la joie des camarades qui m’écoutèrent ce jour-là (...). Comprendre ce qui vous écrase est en quelque sorte le dominer, écrira-t-elle en 1973 [2] Source : Ravensbrück, GermaineTillion, Le Seuil, 1973. . Son énergie est communicative, elle associe ses codétenues à son action.

« Le Verfügbar aux enfers » : rire pour éloigner la mort

Grâce au soutien de ses camarades, elle ose briser le tabou suprême : rire du malheur pour repousser la mort. Cachée dans une caisse pendant que ses amies font le guet, elle écrit avec ses compagnes une opérette en trois actes intitulée Le Verfügbar aux enfers (Le terme verfügbar désigne les déportées qui, n'étant pas assignées à un travail précis, forment pour les nazis le rebut du camp). On m'a dit : "il faut résister" / J’ai dit oui presque sans y penser / C’est comme ça qu’dans un train de la ligne du Nord / J’eus ma place retenue à l’œil et sans effort... Chacune se souvient d'une chanson ou d'une comptine et Kouri invente les paroles...

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Elle s'y moque de leurs tortionnaires et d'elles-mêmes, car Kouri est une verfügbar affectée aux travaux les plus pénibles et mortifères tels le rouleau compresseur, un cylindre de 900 kilos pour aplanir le sol auquel on attelait les femmes jusqu'à épuisement complet pendant des heures. À la fin de la guerre, on estimera que 92 000 femmes et enfants auront été massacrés dans ce camp. 

À lire : le passionnant article « Résister par le rire dans les camps : Germaine Tillion et Le Verfügbar aux enfers », écrit par Julien Blanc, professeur agrégé d'histoire à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

À découvrir : la collection de vidéos produites par Réseau Canopé sur Le Verfügbar aux enfers.

Réseau Canopé a conçu également un dossier très complet sur Le Verfügbar aux enfers. Via différents médias, il permet de recontextualiser l’œuvre pour mieux la comprendre et la transmettre.

Le Verfügbar aux enfer, site Réseau Canopé

Capture d'écran du dossier que Réseau Canopé consacre au « Verfügbar aux enfer ». Plusieurs onglets permettent d'accéder aux pages suivantes : Le contexte / Une opérette à Ravensbrück / Conditions de vie dans les camps / Étudier et chanter l'opérette. Une photo prend toute la largeur de la page : on y voit de jeunes chanteurs en train d'interpréter l'opérette.

 

Pendant les dix-sept mois qu'elle passe en déportation, elle enquête sans relâche sur le système concentrationnaire nazi, dresse des organigrammes de SS et des listes des déportées françaises, cache des documents. Telle une enquêtrice minutieuse, elle garde sur elle des clichés que ses codétenues prennent avec un appareil photo subtilisé parmi les bagages des femmes arrivant au camp. Anise Postel-Vinay, qui partage la paillasse de Germaine Tillion, a raconté à la Fondation de la Résistance ce que l’ethnologue française a fait des photos d'expériences médicales sur les prisonnières utilisées comme cobayes humains : La pellicule a été sortie de l’appareil et confiée par les Polonaises à la Française Germaine Tillion, connue dans le camp pour sa sagesse, sa solidité et sa prudente récolte de documents. (…) Elles ont tricoté un petit sac en laine de la taille de la pellicule avec un long cordon et Germaine Tillion a porté ce dangereux trésor autour de son cou, jour et nuit pendant six mois.

Le 23 avril 1945, elle fait partie des quelque 300 Françaises libérées et confiées à la Croix-Rouge suédoise. Et Germaine porte toujours sur elle les photos qui prouvent les crimes contre l’humanité pepétrés dans les camps : Pour passer l’ultime fouille, elle a caché le petit sac devenu très sale dans une boîte de lait en poudre que les SS ont enfin sortie des réserves qu’ils volaient à la Croix-Rouge au fur et à mesure que les colis arrivaient, rapporte Anise Postel-Vinay. Après quelques semaines passées en Suède, elle est rapatriée en France par avion le 11 juillet 1945.

Après la guerre : témoigner

Germaine est vivante, sa lutte n'aura pas été vaine. En France, elle retrouve son poste d'ethnologue au CNRS. Seule cheffe de secteur de son réseau de résistance à avoir survécu, elle consacre son temps à documenter et témoigner de ce qu'elle a vécu en déportation. La souffrance et même la tentation d'oublier l'horreur en mettant fin à ses jours met des années à s'estomper.

Fin 1945, Germaine Tillion est membre du Conseil d’administration de l’ADIR (Association des déportées et internées de la Résistance). Quelques jours après son retour à Paris, elle assiste, en juillet et août 1945, au procès du maréchal Pétain, puis, en tant qu'observatrice et représentante des déportées françaises, aux procès de Hambourg (1946-1947) et de Rastatt (1950) où sont jugés 38 criminels SS de Ravensbrück : des officiers, des médecins, des gardes. Vingt-et-un d'entre eux sont des femmes. Un total de 18 condamnations à mort sont prononcées. 

Germaine Tillion  ne baisse jamais la garde contre la barbarie – d'où qu'elle vienne. En mai 1951, elle enquête au sein de la Commission internationale contre le régime concentrationnaire (CICRC) et est l'une des premières à dénoncer le totalitarisme stalinien avec l'existence des goulags en URSS. Pour Germaine Tillion, le mal n'est pas une exclusivité nazie car il s'enracine dans la nature humaine : L'immense majorité d'entre nous est composée de gens ordinaires, inoffensifs en temps de paix et de prospérité, se révélant dangereux à la moindre crise.

1954 : mission en Algérie

Un constat douloureux qu'elle est bientôt obligée d'appliquer à sa propre patrie. En 1954, elle est sollicitée par le gouvernement de Mendès France pour une nouvelle mission en Algérie. Le pays qu'elle avait découvert dans sa jeunesse est à feu et à sang. Le FLN (Front de libération nationale), qui vient d'être fondé, lance son appel à l'insurrection. La France réplique par une répression sanglante, généralise la torture, construit des centres de détention. En 1957, Germaine Tillion dénonce les exactions commises des deux côtés.

Le 4 juillet, dans la casbah d'Alger, elle rencontre en secret Yacef Sâadi, leader du FLN recherché par le général Massu, et cherche à concrétiser une médiation : Sâadi lui promet de mettre fin aux attentats à condition que soient suspendues les exécutions capitales. Germaine Tillion va plaider sa cause auprès du général de Gaulle et le sauver de la guillotine, ainsi que 265 autres condamnés à mort. Par souci de justice et d'équité, elle a également demandé – et obtenu – la grâce de plusieurs membres de l'OAS (Organisation armée secrète, militant en faveur du maintien de la politique colonisatrice de l'Algérie française). Soucieuse de sauver des têtes avant de défendre des causes, selon ses propres termes, elle se bat contre la torture et les attentats, tente de négocier une trêve. Hélas, l'emballement de l'histoire ne peut plus être arrêté : la guerre d'Algérie ne prendra fin qu’en 1962, avec un bilan de plus de 596 000 tués, civils et militaires. 

Photo en noir et blanc de Germaine Tillion

Photo en noir et blanc de Germaine Tillion, assise dans un intérieur bourgeois, avec un journal sur les cuisses.

Germaine Tillion pendant la guerre d'Algérie. © MNHN

Une vie d'engagement

En 2007, son opérette concentrationnaire, le Verfügbar aux enfers, est mise en scène au théâtre du Châtelet (Paris). Des lycéennes chantent dans le chœur. C’est le vœu le plus cher de Germaine Tillion dans ses dernières années : transmettre son message de vérité et de justice aux jeunes générations et aussi son témoignage d’espoir.

Le 31 mai 2007, peu avant de mourir, elle a lancé un dernier appel à la jeunesse, qu'elle engage encore et toujours à la résistance contre le Mal. 

Au terme de mon parcours, je me rends compte combien l'homme est fragile et malléable. Rien n'est jamais acquis. Notre devoir de vigilance doit être absolu. Le mal peut revenir à tout moment, il couve partout et nous devons agir au moment où il est encore temps d'empêcher le pire.

Germaine Tillion avec sa chienne, Touisa

Photo en noir et blanc de Germaine Tillion avec sa chienne dans les bras.

Germaine Tillion avec sa chienne, Touisa. Saint-Mandé, février 2003. © MNHN

 

Germaine Tillion s’éteint dans sa 101e année, le 19 avril 2008. Mais sa voix continue de porter… Le 13 mai 2015, sa famille ayant souhaité que son corps demeure près des siens, au cimetière Condé, dans le Val-de-Marne, on prélève de la terre sur sa tombe en vue de son entrée au Panthéon, en même temps que trois autres grandes figures de la Résistance : Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Jean Zay.

Pour la France, Germaine Tillion incarne l’exemplarité d’une vie entièrement consacrée à honorer le credo républicain Liberté, égalité, fraternité et à en élargir la portée sans limitations de frontières ni de genre. 

Date de la vidéo: 2015 Collection:  - Les Dossiers de l'Histoire

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