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Ces législatives qui ont changé l’histoire de la Ve République

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Par Isabelle Ducrocq-MaïaResponsable éditoriale Lumni Enseignement
Publication : 10 juin 2024 | Mis à jour : 28 juin 2024
Temps de lecture : 7 min

Niveaux et disciplines

Sur les dix-sept élections législatives organisées depuis l'instauration de la Ve République en 1958, certaines, plus que d'autres, ont marqué la vie politique française. Parce qu'elles ont été provoquées par la dissolution de l'Assemblée nationale ; parfois aussi parce qu'elles ont entraîné une période de cohabitation. 

 

Retour sur l'histoire des élections législatives en 9 dates-clés.

1958 : des législatives fondatrices

En juin 1958, alors que la France est minée par les blocages institutionnels de la IVe République et par la crise algérienne, Charles de Gaulle est rappelé à la tête du gouvernement. Pour sortir le pays de l’impasse, le Général cherche à asseoir son pouvoir et à se donner les moyens de l’exercer pleinement. Comment ?

Il organise tout d’abord, au mois de septembre, un référendum sur une nouvelle Constitution, puis, deux mois plus tard, des élections législatives. En septembre et en novembre, il remporte les suffrages des électeurs. Le 21 décembre suivant, il gagne l’élection présidentielle.

Le nouveau (et premier) président de la Ve République peut désormais gouverner sereinement, soutenu par une majorité confortable à l’Assemblée nationale et investi de la pleine confiance des Français.

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Le saviez-vous ?

C’est à l’occasion des élections législatives de 1958 que le général de Gaulle rétablit le scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Ce type de scrutin, toujours en vigueur aujourd’hui, n’a été suspendu qu’une fois, en 1986 : pressentant la défaite de son camp, François Mitterrand avait alors instauré un scrutin proportionnel. 

 

Depuis 1958 et la réforme de la Constitution, le président de la République (et lui seul) a la possibilité de dissoudre l’Assemblée nationale afin de résoudre un conflit entre le pouvoir l’exécutif et le pouvoir législatif. 

L’Assemblée nationale a été dissoute à six reprises depuis 1958. À l’avantage du président de la République les quatre premières fois. En 1997, cette arme institutionnelle se retourne contre le président Jacques Chirac. 

1962 : première dissolution de l'Assemblée nationale

Le 12 septembre, le général de Gaulle annonce à la télévision sa volonté de soumettre à référendum son projet de révision de la Constitution sur l’élection du président de la République au suffrage universel.

Mais, très vite, il se heurte à l’opposition des députés qui, le 5 octobre, votent une motion de censure contre le gouvernement Pompidou. Le Général réplique alors en choisissant de dissoudre l’Assemblée.

De nouvelles élections législatives sont alors organisées les 18 et 25 novembre. La victoire des gaullistes est sans appel. Dans l’intervalle (le 28 octobre), les électeurs ont approuvé à 62,25 % sa réforme constitutionnelle sur le mode d’élection du président. La légitimité de De Gaulle, une nouvelle fois, sort renforcée de ce scrutin. 

Date de la vidéo: 1962 Collection:  - Les Actualités françaises

Le référendum du 28 octobre 1962

Date de la vidéo: 1962 Collection:  - Les Actualités françaises

Les élections législatives de 1962

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1968 : dissoudre pour résoudre

Comment résoudre la crise de Mai 68 ? Pour Georges Pompidou, alors Premier ministre, il n’y a pas de doute : il faut dissoudre l’Assemblée nationale et organiser de nouvelles élections législatives. Le Général se laisse convaincre.

Le résultat des urnes lui est favorable et lui permet de reprendre la main.

1981 : confirmer la majorité

François Mitterrand, encore en campagne, avait prévenu : une fois élu, il choisirait de dissoudre l’Assemblée (la VIe législature, commencée en avril 1978, devait durer jusqu’en 1983). Il était en effet impossible pour lui de gouverner sans disposer d’une majorité parlementaire qui lui soit favorable. Le 21 juin 1981, au soir des élections législatives, l’Assemblée nationale est de son côté. Il va pouvoir entamer les réformes qu’il souhaite.

1986 : la cohabitation Mitterrand-Chirac

C’est une première dans l’histoire politique française, un tournant : au soir du second tour des élections législatives, le 16 mars 1986, la gauche, alors au pouvoir depuis presque cinq ans, est battue. François Mitterrand ne dispose plus de la majorité parlementaire lui permettant de gouverner.

Dans le discours qu’il prononce au lendemain des résultats, il annonce que, selon l'article 8 de la Constitution, il va nommer une personnalité de la nouvelle majorité pour former le gouvernement. Il le sait, cette situation est inédite : il doit rassurer les Français.

Au-delà des divergences bien naturelles qui s'expriment à chaque consultation électorale, ce qui nous rassemble est plus puissant encore, c'est l'amour de notre patrie. Vive la République ! Vive la France !

François Mitterrand, 17 mars 1986.

Pas question pour autant pour François Mitterrand de s’effacer et de renoncer à ses prérogatives. Aussi les deux années qui vont suivre, en tête-à-tête avec Jacques Chirac, son Premier ministre, ne seront-elles pas toujours simples. Le premier Conseil des ministres, le 22 mars, est à l’image de ce que sera cette législature : tendue.

1988 : se donner les moyens de gouverner

Le 8 mai 1988, la gauche remporte une nouvelle fois l'élection présidentielle.

Quelques jours plus tard, le président de la République, François Mitterrand, choisit encore une fois de dissoudre l’Assemblée : celle-ci lui est en effet hostile depuis mars 1986.

Avec l’organisation de nouvelles élections, les socialistes sont, après deux années de cohabitation tendues, de nouveau majoritaires dans l’hémicycle.

1993 : la cohabitation Mitterrand-Balladur

Mais, lors des élections législatives de 1993, les députés socialistes perdent de nombreux sièges. Débute alors une deuxième cohabitation. 

Date de la vidéo: 1993 Collection:  - Journal de 20 heures

Les élections législatives de 1993

De nouveau, François Mitterrand (dont c’est le second mandat) choisit de ne pas démissionner. Le 29 mars, il nomme Édouard Balladur Premier ministre. La droite est de nouveau au pouvoir. 

Grâce à l’expérience acquise au cours des années 1986-1988 et aux enseignements qui en ont été tirés, cette cohabitation se déroule dans des conditions plus sereines. Elle sera d'ailleurs surnommée « la cohabitation de velours ».

Elle s’achève en mai 1995, avec l’élection présidentielle qui verra Jacques Chirac accéder au pouvoir. 

1997 : le pari perdu de la dissolution

La dernière dissolution est celle qui a raté son objectif.

Alors que l’Assemblée nationale lui est très largement favorable, Jacques Chirac décide pourtant, à la surprise du plus grand nombre, sa dissolution. Le président et son gouvernement doivent en effet entamer des réformes difficiles et veulent, pour cela, obtenir une majorité ressourcée et disposant du temps nécessaire à l'action. Les élections législatives sont prévues pour l’année suivante (le mandat du président n’était pas, à l’époque, aligné sur celui des députés) et la politique de rigueur qui doit être instaurée laisse craindre qu’elles ne se soldent par l’échec du pouvoir en place…

Le 21 avril 1997, Jacques Chirac annonce donc à la télévision qu’il dissout l’Assemblée.

Pour réussir, la France a besoin d'un nouvel élan. Cet élan ne peut être donné que par l'adhésion, clairement exprimée, du peuple français.

Jacques Chirac, 21 avril 1997.

Or, le 1er juin, c’est la gauche « plurielle » (PS, PC, radicaux de gauche, verts) qui remporte le scrutin. 

Le socialiste Lionel Jospin prend la tête du gouvernement.

Date de la vidéo: 1997 Collection:  - Soir 3

Lionel Jospin Premier ministre

Cette troisième cohabitation commence deux ans seulement après le début du septennat de Jacques Chirac. Pour la droite, l’échec est cuisant... Et cette cohabitation est partie pour durer cinq ans !

Elle se déroule cependant de façon « constructive », du moins jusqu’aux élections municipales et jusqu'à la campagne pour l’élection présidentielle de 2002 où il devient nécessaire de faire gagner son camp.

En avril 2002, le président de la République et son Premier ministre s’affrontent au premier tour de l’élection présidentielle. Mais, au soir du premier tour, Lionel Jospin est sévèrement éliminé, distancé par Jean-Marie Le Pen. Le choc est rude. Jacques Chirac revient au pouvoir.

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Depuis la réforme du 2 octobre 2000 qui institue le quinquennat, les élections législatives succèdent de quelques semaines seulement à l’élection présidentielle. La majorité parlementaire correspond donc à la majorité présidentielle, ce qui limite le risque de cohabitation. Cela a été le cas en 2002, 2007, 2012, 2017 et 2022.

2024 : coup de tonnerre après les européennes

Le dimanche 9 juin 2024, Emmanuel Macron choisit de dissoudre l'Assemblée nationale et d'organiser des élections législatives le 30 juin et le 7 juillet. En cause : la percée de l'extrême droite lors des élections européennes.

Pour aller plus loin

• Depuis 1789, le peuple peut, grâce aux députés qui siègent en son nom à l'Assemblée nationale, exprimer librement ses choix pour la Nation. Retrouvez nos ressources sur l'histoire de ce haut lieu de la démocratie, sur celles et ceux qui y votent les lois et sur les élections législatives, rendez-vous décisif de notre vie politique.

• Retour sur plus de deux cents ans d’histoire pour comprendre comment notre démocratie s’est construite et le rôle, majeur, que joue le président de la République pour contribuer à la faire évoluer.

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