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1948 : la création de l’État d’Israël

Copyright de l'image décorative: © AFP

Par Nicolas Françoisjournaliste spécialisé en histoire
Publication : 10 mai 2023 | Mis à jour : 19 déc. 2023

Niveaux et disciplines

Nous, membres du conseil représentant la communauté juive de Palestine et le mouvement sioniste, nous nous sommes rassemblés ici, en ce jour où prend fin le mandat britannique et en vertu du droit naturel et historique du peuple juif et conformément à la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies, nous proclamons la création d’un État juif en terre d’Israël. Le 14 mai 1948, au musée de Tel-Aviv, David Ben Gourion, président du Conseil national juif et futur Premier ministre, prononce la déclaration d’indépendance d’Israël. L’aboutissement d’un projet né à la fin du XIXe siècle.

 

Les dates à retenir

Frise chronologique, Israël : de la naissance d'un État aux impasses de la paix

Frise chronologique intitulée « Israël : de la naissance d'un État aux impasses de la paix »

  • 1896 : publication, par le journaliste autrichien Theodor Herzl, de L’État des Juifs, manifeste fondateur du sionisme
  • 1917 : déclaration Balfour par les Britanniques ouvrant la voie à « l’établissement d’un foyer juif en Palestine »
  • 1947 : à l’ONU, vote d’un plan de partage de la Palestine en deux États
  • 1948 : Naissance d’Israël suivie de la première guerre israélo-arabe
  • 1956 : opération conjointe entre la France, le Royaume-Uni et Israël sur le canal de Suez
  • 1964 : création de l’Organisation pour la libération de la Palestine
  • 1967 : guerre des Six-Jours
  • 1972 : guerre du Kippour
  • 1987 : déclenchement de la première Intifada
  • 1993 : signature des accords d’Oslo
  • 1994 : prix Nobel de la paix attribué à Yasser Arafat, Yitzhak Rabin et Shimon Peres pour la signature des accords d’Oslo
  • 2000-2005 : seconde Intifada 2002 : construction d’un mur de séparation en Cisjordanie
  • 2004 : mort de Yasser Arafat
  • 2005 : retrait unilatéral de la bande de Gaza
  • 2006 : guerre au Liban
  • 2007 : prise de contrôle de la bande de Gaza par le Hamas
  • 2012 : intégration de la Palestine en tant qu’État observateur non-membre à l’ONU 2014 : guerre de Gaza
  • 2020 : signature des accords d’Abraham
  • 2023 : Attaque du Hamas contre Israël
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La naissance du sionisme

     

1881-1947 : les racines de l’idée d’un État juif

C’est en Russie que l’idée d’un État juif prend naissance. Après l’assassinat du tsar Alexandre II, le 13 mars 1881, une partie de la population accuse les Juifs d’être responsables de la mort de leur dirigeant et lancent une série de pogroms (attaques antisémites accompagnées de pillages et de meurtres) de 1881 à 1884. Des milliers de résidences et de commerces sont pillés, des centaines de personnes périssent.

En réaction, quelques étudiants et rabbins créent le mouvement Hibbat Zion en hébreu, « Les amants de Sion ». Le médecin d’Odessa Léon Pinsker en prend la tête. Un peuple sans territoire est comme un homme sans ombre, écrit-il en 1882, dans son ouvrage Auto-émancipation, publié en Allemagne et dans lequel il jette les bases du mouvement sioniste (le terme ne sera cependant utilisé qu’à partir de 1890) : Il y a une absence chez le peuple juif de la plupart des attributs d’une nation. (…) Le Juif est considéré par les vivants comme un mort, par les autochtones comme un étranger, par les indigènes sédentaires comme un clochard, poursuit-il.

Ces réflexions trouvent un écho en Europe de l’Ouest, alors que l’affaire Dreyfus divise la France à partir de 1894. « La solution au problème juif, c’est la création d’un État juif », écrit le journaliste autrichien Theodor Herzl en 1896 dans un texte intitulé Der Judenstaat (en allemand : « l’État des Juifs »). En 1897, Herzl préside le premier congrès sioniste à Bâle (Suisse). Il écrira quelques jours plus tard dans son journal : À Bâle, j’ai créé l’État juif. Si je disais cela aujourd’hui publiquement, tout le monde se moquerait de moi. Dans cinq ans peut-être, dans cinquante ans sûrement, tout le monde acquiescera.

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Les premières installations en Palestine

Mais où installer cet État ? Si différentes possibilités sont évoquées (Kenya, Argentine…), c’est en « terre d’Israël », berceau du peuple juif en Palestine selon la Bible, que se tournent les sionistes. La région est sous domination ottomane depuis le XVIe siècle.

En 1880, on compte 24 000 Juifs en Palestine – principalement des religieux – pour 482 000 habitants. Dans les années 1880-1890, le mouvement Hibbat Zion organise les premières alyas (émigration de Juifs vers Israël) : près de 30 000 Juifs s’installent en Palestine. Mais les conditions sont rudes et la misère omniprésente. Nombre d’immigrants rentrent dans leur pays d’origine après un an.

Au début du XXe siècle, le Fond national juif, créé à Bâle en 1901, récolte des fonds pour l’achat de terres en Palestine. L’initiative suscite un engouement de la part de la diaspora du monde entier. Le rachat progressif des terres provoque les premières tensions avec les Arabes, chrétiens et musulmans, implantés depuis plusieurs siècles. En 1914, le pays compte entre 60 000 et 90 000 Juifs pour environ 800 000 habitants.

 

 Carte géographique du plan onusien en 1947

Carte présentant le plan de partage de la région, proposé par l'ONU en 1947. L'État juif est représenté en rose, séparé en 3 parties. Il recouvre 55 % du territoire. L'État arabe, représenté en vert, en 3 parties également, recouvre 45 % du territoire. Sur cette carte sont également mentionnées, en violet, les villes de Bethléem et de Jérusalem, la zone de l'État arabe conquise par Israël et la zone de l'État arabe conquise par d'autres États arabes.

Source : Frédéric Encel, Atlas géopolitique d'Israël, éditions Autrement, 2018. Graphisme : Patrick Bonaldi.

À noter : Le terme latin, corpus separatum, est utilisé en droit international pour désigner une ville ou une région à laquelle est donné un statut juridique et politique spécial.

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Le rôle décisif de la Grande-Bretagne

Le 2 novembre 1917, un événement majeur va changer la face du Moyen-Orient. En pleine guerre, le ministre des Affaires étrangères britannique, Arthur Balfour, adresse un courrier à l’un des leaders du mouvement nationaliste juif au Royaume-Uni, Lord Walter Rothschild : Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif. Les Britanniques placent ainsi leurs pions dans l’optique de l’après-guerre : ils lorgnent sur les terres de l’Empire ottoman et notamment sur la Palestine qui leur offrirait une situation privilégiée dans la région, près du canal de Suez. Avec cette déclaration Balfour, la première puissance européenne légitime ainsi le sionisme en Palestine.

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En 1920, le traité de Sèvres démantèle l’Empire ottoman, vaincu à la fin de la Première Guerre mondiale, et la Société des Nations (SDN) place la Palestine sous mandat britannique. Cependant, les Britanniques ont fait beaucoup de promesses dans la région. Dès 1916, par la voix de Henry McMahon, haut commissaire britannique du protectorat sur l’Égypte, ils avaient déjà concédé au chérif de La Mecque, Hussein ben Ali, la création d’un royaume arabe en échange de la révolte de ses troupes contre l’Empire ottoman. Une promesse vite oubliée : le 24 juillet 1922, lorsque la SDN octroie à la Grande-Bretagne un mandat sur la Palestine, l’article 2 précise que le mandataire assumera la responsabilité d’instituer dans le pays un état de choses politique, administratif et économique de nature à assurer l’établissement du foyer national pour le peuple juif. Il n’y est nullement fait mention d’un État arabe ni même d’un peuple arabe.

Dès lors, la population juive en Palestine augmente considérablement. Les restrictions de l’immigration aux États-Unis au milieu des années 1920 et la montée du nazisme en Allemagne dans les années 1930 encouragent les alyas. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, les Juifs constituent près d’un tiers des 2 millions d’habitants de Palestine.

Après la Shoah, la Terre promise

Pendant la Seconde Guerre mondiale, entre 5 et 6 millions de Juifs sont exterminés au cours du génocide perpétré par les nazis. À la fin du conflit, les rescapés se tournent notamment vers la Palestine, toujours sous mandat britannique. Mais, depuis 1939, en réponse à une série de révoltes arabes, le Royaume-Uni a drastiquement limité les possibilités d’immigration.

Sur le terrain, la tension monte. Le 22 juillet 1946, l’organisation nationaliste juive Irgoun attaque à l’explosif l’hôtel King David, où sont installés les bureaux du gouvernement britannique. L’attentat fait 91 morts.

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Un autre événement va précipiter les choses : en juillet 1947, le navire Exodus arrive près des côtes palestiniennes avec, à son bord, 4 500 Juifs rescapés de la Shoah. Le bateau est intercepté par les forces navales britanniques. Il est finalement acheminé vers Hambourg (Allemagne) où les passagers sont débarqués dans des camps de rétention. En tout, près de 50 000 candidats à l’immigration seront déboutés et detenus derrière des barbelés. L’image est désastreuse pour le gouvernement britannique, totalement dépassé. Au point qu’il décide de confier son mandat sur la Palestine à la toute jeune organisation des Nations unies

Le 22 novembre 1947, un plan de partage de la région est soumis au vote des membres de l’ONU. Il propose la création de deux États : l’un juif (sur 55 % du territoire), l’autre arabe (sur 45 % du territoire), ainsi que la mise sous contrôle international de Jérusalem. Tous les pays arabes s’y opposent, mais l’URSS et ses satellites, pourtant hostiles au sionisme, votent pour le projet. Staline y voit l’opportunité de profiter de la faiblesse britannique pour accroître son influence dans la région. Le 14 mai 1948, le mandat britannique s’achève officiellement. L’État d’Israël est né. 

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1948-1967 : Israël, un État construit dans la guerre

Indépendance et Nakba

Le jour de la création d’Israël, au milieu de la liesse populaire, David Ben Gourion aurait glissé au jeune Shimon Peres, futur Premier ministre : Tu vois, aujourd’hui, ils dansent, mais, demain, ils verseront leur sang. Le 15 mai 1948, dès le lendemain de la déclaration d’indépendance, les troupes de plusieurs pays membres de la Ligue arabe (Égypte, Irak, Jordanie, Liban, Syrie, Yémen) envahissent la Palestine. En janvier 1949, Israël remporte la guerre, notamment grâce aux armes fournies par l’URSS via la Tchécoslovaquie. Sa superficie s’agrandit d’un tiers pour atteindre 78 % du territoire. Jérusalem est coupée en deux : l’est pour la Jordanie, l’ouest pour Israël, qui la désigne comme capitale. La Palestine est démantelée : sur les bords de la Méditerranée, la bande de Gaza passe sous contrôle égyptien, la Jordanie annexe la Cisjordanie. Entre décembre 1947 et juillet 1949, près de 700 000 Arabes de Palestine, expulsés de leurs terres et leurs habitations, sont contraints de fuir. Dans le monde arabe, l’intellectuel syrien Constantin Zureiq parle de nakba, la « catastrophe ».  

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Le 26 juillet 1956, le canal de Suez reliant la Méditerranée à la mer Rouge – et administré par la France et le Royaume-Uni – est nationalisé par le président égyptien Gamal Abdel Nasser. Le 29 octobre, Israël attaque l’Égypte. Il s’agit d’une opération conjointe entre la France et le Royaume-Uni, qui s’inquiètent de la nouvelle alliance entre l’URSS et Nasser. Côté israélien, David Ben Gourion espère ainsi affaiblir durablement son ennemi égyptien dont les incursions sur le territoire sont fréquentes depuis 1948. L’armée israélienne parvient à s’emparer du Sinaï. Sous la pression américaine et soviétique, qui ne veulent pas voir la situation s’envenimer davantage, un cessez-le-feu est signé le 7 novembre.

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Construire un nouveau pays

Dès la déclaration d’indépendance d’Israël en 1948, David Ben Gourion pose un principe fondateur : L’État d’Israël sera ouvert à l’immigration des Juifs de tous les pays de leur dispersion. Le 5 juillet 1950, le parlement israélien vote la loi sur le retour qui permet à tout Juif de pouvoir immigrer et s’installer librement en Israël. Entre 1948 et 1962, plus d’un million de personnes émigrent, dont 40 % depuis l’Europe orientale et près de 30 % d’Afrique, principalement d’Afrique du Nord.

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Pour accueillir tous ces nouveaux venus, Israël, en proie à des difficultés économiques, va bénéficier d’une aide de la République fédérale d’Allemagne. En vertu de l’accord de réparation signé en 1952, elle s’engage à verser 3,5 milliards de marks à l’État hébreu, une indemnité couvrant les frais d’installation en Israël des victimes des persécutions du IIIe Reich.

En Israël, le nouvel État se fait moteur du développement économique en se portant acquéreur de grandes industries et de terres agricoles. Un État stratège et planificateur ainsi qu’une grande quantité de main d’œuvre disponible permettent au niveau de vie de décoller durant les années 1960. En 1963, 97 % des Israéliens ont l’eau courante, 93 % s’éclairent à l’électricité et le nombre de lits d’hôpitaux passe de 4 626 en 1948 à 17 612 en 1963. Dans le même temps, la consommation privée s’est accrue de 200 % et le produit national brut de 232 % (Michel Abitbol, Histoire d’Israël, éditions Perrin, 2018).

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Une nation en quête d’identité

En 1956, le gouvernement lance une grande campagne d’approfondissement de la « conscience juive » en enseignant aux élèves le calendrier hébraïque, la Bible, les fêtes religieuses ou encore les grands personnages juifs dans l’histoire. Il créé également, en 1959, la Journée de la Shoah et de l’héroïsme au 27 Nissan (1er mois du calendrier juif, généralement en avril ou en mai).

En mai 1960, Adolf Eichmann, haut fonctionnaire nazi et organisateur de la Solution finale, est arrêté en Argentine par des agents du Mossad. Il est transféré à Jérusalem pour être jugé par un tribunal israélien. À partir du 11 avril 1961, plus de 2 millions d’Israéliens écoutent quotidiennement à la radio la retransmission de son procès. Pendant plusieurs semaines, des centaines de témoignages décrivent l’horreur des camps d’extermination. Eichmann est condamné à mort, puis pendu le 1er juin 1962. Avec le retentissement mondial de ce procès, le souvenir de la Shoah devient un élément majeur de l’identité israélienne.

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En résumé

La création par l’ONU, en 1948, d’un État juif est d’abord le fruit de la détermination des sionistes à bâtir un « foyer national juif ». Les premières installations de nationalistes et de religieux juifs débutent à la fin du XIXe siècle en Palestine, alors sous administration ottomane.

Après la Première Guerre mondiale, la Palestine passe sous la coupe de la Grande-Bretagne, qui se retrouve vite dépassée par une guerre civile judéo-arabe coûteuse. Londres s’en remet à l’ONU, qui adopte un plan de partage du territoire en deux États en 1947.

Si l’État arabe ne voit pas le jour, l’État d’Israël est rapidement reconnu sur la scène internationale et bénéficie, en outre, dans les années 1960, d’un dynamisme économique important. Mais son existence est contestée par ses voisins et l’expulsion de 700 000 Arabes de Palestine de leurs terres entre décembre 1947 et juillet 1949 accentue le ressentiment.

Attentats et actes de sabotages se multiplient. En mai 1964 naît l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) qui prône la lutte armée contre Israël. Une deuxième phase de l’existence d'Israël débute alors, secouée par des affrontements avec de multiples acteurs palestiniens mieux organisés, mais aux objectifs politiques parfois divergents, et marquée par des tentatives de paix avec ses ennemis.

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Pour aller plus loin

Un dossier thématique

  • Le journaliste Nicolas François a également rédigé un dossier thématique sur le conflit israélo-palestinien, de 1967 à nos jours. Retour sur plus d'un demi-siècle d'affrontements qui, en dépit d'accords historiques et de la médiation de nombreux acteurs internationaux, perdurent encore aujourd'hui.
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Deux pistes pédagogiques

  • Une piste pédagogique, à destination des élèves de Terminale, permet de travailler sur la problématique suivante : pourquoi le processus de paix israélo-palestinien, initié par les accords d’Oslo en 1993, est-il, trente ans plus tard, dans l’impasse ?
Insert de la ressource Parcours - ID: 1180 en mode complementaire
  • Cette piste pédagogique, également à destination des élèves de Terminale, revient sur l'historique du conflit israélo-arabe et israélo-palestinien afin de mieux comprendre les enjeux qui, aujourd'hui encore, agitent cette zone du Proche-Orient.
Insert de la ressource Parcours - ID: 0043 en mode complementaire

Une bibliographie

  • Georges Bensoussan, Une histoire intellectuelle et politique du sionisme, éditions Fayard, 2002.
  • Michel Abitbol, Histoire d’Israël, éditions Perrin, 2018. 

Thèmes

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