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Lucie et Raymond Aubrac :
les inséparables de la Résistance

Copyright de l'image décorative: © Image issue de « Autoportrait de la résistance », France 3, INA, 1990

Par Jean-Pierre Vrignaudjournaliste spécialisé en histoire
Publication : 16 juin 2023 | Mis à jour : 19 déc. 2023

Niveaux et disciplines

     

Résister et transmettre

Ce dossier thématique à destination des élèves du collège et du lycée (histoire et EMC) retrace le destin de Lucie et Raymond Aubrac, résistants et amoureux, rompus à la vie clandestine, auteurs de plusieurs évasions des geôles nazies. À partir des années 1970, ils parcourront des centaines d'écoles en France pour transmettre la mémoire de la Résistance et répéter leur engagement inébranlable en faveur de la liberté : Le mot résister doit toujours se conjuguer au présent, répétait Lucie Aubrac.

 

Nous étions arrivés avec grand retard, Max, Schwarzfeld et moi, et la bonne du docteur nous avait laissés au rez-de-chaussée de la villa, dans le petit salon où attendaient les malades. En quelques minutes, le drame, rapide, brutal. Des bruits de pas. Portes qui s’ouvrent. À chacune, un homme armé de mitraillette, le doigt sur la gâchette.(…) On nous jette dans les tractions avant noires, toujours menottés, et nous descendons vers le quai de Saône à toute vitesse, en route vers l’avenue Berthelot, Montluc et nos destins.

Piégés par la Gestapo

C’est Raymond Aubrac qui raconte la scène[1] Pascal Convert, Raymond Aubrac, résister, reconstruire, transmettre, éd. Seuil, 2011. . Nous sommes le 21 juin 1943 et la Gestapo vient de réussir un coup de maître en prenant au piège à Caluire, près de Lyon, dans le cabinet du docteur Dugoujon, plusieurs des principaux responsables de la Résistance. Celui que Raymond Aubrac appelle Max, c’est Jean Moulin. L'ancien préfet est le délégué du général de Gaulle – qui dirige la France libre depuis Londres – en France. Depuis le début de l'année 1942, il a pour mission d'unifier la résistance intérieure en zone sud. Il a déjà constitué une Armée secrète réunissant les organisations paramilitaires de ces mouvements de Résistance. À partir de mars 1943, de Gaulle lui demande de créer un Conseil de la Résistance représentatif des principales organisations clandestines présentes dans les deux zones (nord et sud). Ce sera le CNR (Conseil national de la Résistance), embryon  d’une représentation nationale reconstituée, dont la première réunion – clandestine – a lieu à Paris le 27 mai 1943.

Une piste pédagogique à destination des lycéens permet d'aborder le sujet du Conseil national de la Résistance (CNR) et de sa charte : de l’élaboration d’un programme commun dans la clandestinité à son application à la Libération. En mars 1944, le CNR élabore dans la clandestinité et adopte à l’unanimité un programme en deux parties, dont des « mesures à appliquer à la Libération du territoire ». Objet d’un consensus à la Libération, il est mis en œuvre par une série d’ordonnances, de décrets et de lois adoptés pour l’essentiel entre 1945 et 1947.

Niveaux: Lycée général et technologique - Lycée professionnel

Le Conseil national de la Résistance

Frise chronologique du CNR : de la clandestinité à la Libération (cliquer pour déplier)

Frise chronologique : Le Conseil national de la Résistance : de la clandestinité à la Libération

Frise chronologique intitulée « Le Conseil national de la Résistance : de la clandestinité à la Libération »

  • 25 octobre 1941 : Rencontre de Jean Moulin et du général de Gaulle à Londres
  • 2 janvier 1942 : Jean Moulin est parachuté en France en tant que représentant du général de Gaulle en zone sud
  • Janvier 1942-février 1943 : Mission clandestine de Jean Moulin (sous le pseudonyme de Rex). Elle consiste à unifier la Résistance en zone sud
  • Janvier 1943 : Création des Mouvements unis de Résistance (zone sud)
  • Février 1943 : Retour de Jean Moulin à Londres
  • Mars 1943 : Jean Moulin revient en France en tant que ministre du Comité national, unique représentant de De Gaulle en France, avec pour mission de créer un Conseil de la Résistance
  • 26 mars 1943 : Création du Comité de coordination de zone nord, qui marque l’unité d’une partie des organisations de Résistance de zone nord
  • 27 mai 1943 : Première réunion du Conseil national de la Résistance (CNR) à Paris
  • 3 juin 1943 : Création du Comité français de la Libération nationale (CFLN) à Alger
  • Mars 1944 : Adoption du programme du CNR

L'unification de la Résistance : de la clandestinité à la Libération

À télécharger : l'unification de la Résistance : de la clandestinité à la Libération.

 

Quelques jours plus tard, le 9 juin, le patron de l'Armée secrète, le général Delestraint, est arrêté par la Gestapo. C'est pour lui trouver un remplaçant qu'a été fixée la réunion de Caluire, chez le docteur Dugoujon. Mais le 21 juin, à Caluire, la Gestapo est aussi au rendez-vous. Un quart d'heure après le début de la réunion secrète, elle fait irruption au premier étage, arrêtant les résistants. Le coup de filet est une catastrophe pour la Résistance. À Lyon, la répression n’a jamais été aussi efficace, menée par le lieutenant SS Klaus Barbie, le boucher de Lyon, un sadique, souvent imbibé d’alcool, qui garde toujours à portée de main une cravache avec laquelle il se déchaîne contre les prisonniers, hommes ou femmes. Avec lui, la torture, désignée sous l’euphémisme d’interrogatoire poussé, est généralisée.

Date de la vidéo: 1998 Collection:  - Journal de 20 heures

Les procès de Vichy

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La région de Lyon, capitale de la Résistance, est devenue dangereuse pour les combattants de la liberté. Sept mois avant le piège de Caluire, en novembre 1942, les troupes allemandes ont envahi la zone libre, une moitié sud de l’Hexagone qui était administrée depuis 1940 par les autorités collaborationnistes françaises aux ordres de Pétain. La Gestapo, secondée par la Milice française, y multiplie les arrestations. Une autre mesure prise par Vichy en février 1943 fait exploser le nombre de Français qui se cachent dans les maquis : c’est la généralisation du Service du travail obligatoire (STO) en février 1943, qui envoie de force les jeunes Français travailler dans les usines allemandes. S’ils refusent de se soumettre aux réquisitions, les hommes concernés deviennent des réfractaires, condamnés à une vie clandestine. De plus en plus de familles basculent avec eux dans une sympathie, voire un soutien à la résistance.

Date de la vidéo: 1942

Seule ce soir (création 1941)

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Faux papiers, vraie évasion

Le 22 juin 1943, un jour après le coup de filet de Caluire, une femme se présente à la prison nazie de Montluc, à Lyon, pour apporter des vêtements propres à son mari, le détenu Claude Ermelin. Le gardien prend son paquet et lui rapporte du linge à laver. La femme repart avec ce qu’elle voulait : la confirmation que son mari est bien enfermé là. Claude Ermelin est le pseudonyme utilisé par Raymond Aubrac au moment de son arrestation et cette femme, c’est Lucie, son épouse de 31 ans, et son associée dans la Résistance. Ils se sont tous les deux engagés très tôt contre l’Occupation, après une discussion d’un quart d’heure, dira Raymond, comme une évidence.

Pour Lucie, au lendemain de l'arrestation de son mari, la décision est instantanée : elle va organiser son évasion, par n’importe quel moyen. Femme de tête et femme d’action, Lucie possède les convictions d’une militante et la hardiesse d’une guerrière. Elle imagine le plus incroyable stratagème pour libérer son mari. Faux papiers, nouvelle adresse et nouvelle apparence : elle devient mademoiselle de Barbentane, fille de grande famille abandonnée enceinte par un vil séducteur, un certain… Claude Ermelin. Sous cette fausse identité, elle se jette dans la gueule du loup. Au QG de la Gestapo, à l’École de santé militaire, elle est reçue par Klaus Barbie lui-même, qui lui apprend que son fiancé vient d’être condamné à mort pour faits de résistance. Lucie quitte le QG de la Gestapo… avec un nouveau plan d’évasion en tête.

Quelques jours plus tard, Mademoiselle de Barbentane revient à la charge auprès d’un colonel de la Gestapo : elle souhaite, pour sauver sa réputation, épouser son amant détenu dans une cérémonie dite in extremis avant qu’il ne soit exécuté. Convaincu par la sincérité d’une démarche hors du commun ainsi que par des cadeaux – cigares et champagne ! –, le militaire consent à organiser une rencontre dans son bureau entre les deux fiancés. Lucie sait ainsi que, ce jour-là, Raymond sera transféré de la prison de Montluc vers le siège de la Gestapo. Le 21 octobre 1943, un commando de dix résistants à bord de trois voitures et d’une camionnette attaque en plein jour le convoi de prisonniers sur le chemin du retour. Lucie, enceinte de six mois, est de la partie, armée d’une mitraillette. Trois Allemands descendus, quatorze prisonniers libérés, dont Raymond, qui a été blessé d’une balle dans la joue. Lucie a récupéré son homme !

Lucie : brillante, pacifiste, militante

Lucie Bernard est née en 1912 à Paris dans un milieu modeste, issu de petits vignerons du Mâconnais. Son père blessé à la guerre en 1915, elle devient pupille de la nation. Pour ses parents, l’école est un Graal, ils feront tous les sacrifices pour la pousser dans la voie des études. Boursière, brillante élève, elle excelle au certificat d’études ; on lui fait préparer l’École normale d’institutrices. À 19 ans, elle réussit le concours d’entrée, ses parents exultent. Pas longtemps : Lucie déserte aussitôt. Très peu pour elle, l’enfermement à l’École normale, ce « couvent laïc » comme elle le décrit[2] Laurent Douzou, Lucie Aubrac, éd. Perrin, 2009. . La jeune fille choisit la liberté : elle s’installe dans une chambre à Paris, fait des petits boulots, prend son indépendance. Lucie fréquente le Cercle international de la jeunesse, association d’inspiration quaker, du nom de cette église protestante prêchant le pacifisme et la philanthropie. Elle y entend les récits de réfugiés venus de toute l’Europe, de l’Allemagne sous le joug hitlérien comme d’Espagne, d’où affluent des exilés républicains. Pacifiste convaincue depuis que son père a été blessé à la guerre, elle milite aux Jeunesses communistes. Engagée, elle parcourt l’Orléanais à vélo pour faire la campagne électorale de Jean Zay, ministre de l’Education du Front populaire en 1936.

Grande, vigoureuse, elle n’a pas peur de la bagarre. Le verbe haut, elle va haranguer les ouvriers à la sortie des usines et n’hésite pas à affronter dans la rue les Camelots du roi, des militants d’extrême droite. Une décennie à cent à l’heure, où elle va, en parallèle, reprendre ses études. D’abord le baccalauréat, en autodidacte, une gageure, alors quelle n’a étudié ni le latin ni la philosophie, puis l’agrégation d’histoire et de géographie, décrochée en 1938 : une consécration exceptionnelle si l’on considère son origine et son parcours. À la rentrée 1939, elle est nommée professeur à Strasbourg, où son chemin va croiser celui d’un certain... Raymond Samuel.

Raymond, pseudonyme Aubrac

Raymond Samuel est né en 1914 à Vesoul – Aubrac. Son principal pseudonyme dans la Résistance deviendra officiellement son nom et celui de Lucie, en 1950. Il grandit à Dijon, où son père tient un prospère commerce de vêtements. L’hiver, la famille part faire du ski à Chamonix. L’été, c’est Royan et la côte Atlantique. Studieux, discipliné, Raymond intègre en 1934 l’École d’ingénieurs des ponts et chaussées, à Paris. Dans le bouillonnement intellectuel de l’époque, rompant avec le conservatisme du milieu bourgeois dont il est issu, il se rapproche du parti communiste, pour lequel il rédige plusieurs articles scientifiques. En 1937, il part étudier un an aux États-Unis, où il découvre, au contact d’une jeunesse éclairée, aussi bien les enjeux internationaux que l’expérience du New Deal de Roosevelt, qui a acté la mainmise de l’État sur de grands secteurs de l’économie. De retour en France, il est incorporé en 1939 au 1er régiment de génie à Strasbourg. C’est là qu’il revoit Lucie, croisée plus tôt au Quartier latin, à Paris. Mais cette fois, c’est le coup de foudre. Raymond est revenu des États-Unis avec un parfum d’aventurier, Lucie concocte un coq au vin pour la bande de copains, ils iront ensuite danser… Très vite, ce fut le bonheur parfait, racontera Lucie[2] Laurent Douzou, Lucie Aubrac, éd. Perrin, 2009. . Six mois plus tard, en décembre 1939, ils sont mariés.

Je crois que les couples intéressants sont ceux dans lesquels les partenaires sont différents. Il y a un échange possible, une forme de curiosité, de possibilité de découverte, commentera un jour Raymond. Il n’aurait su mieux dire, tant les deux n’avaient rien en commun – le jeune bourgeois qui avait des domestiques et la fille dont la famille comptait chaque pièce de monnaie, le juif et la catholique, l’organisateur et la combattante incontrôlable. Ils n’ont rien en commun, sauf un idéal : le refus de suivre aveuglément les chemins balisés, la volonté de toujours penser par soi-même et une réflexion politique qui s’accompagne du goût de l’action.

Un goût de l’action qui se manifeste moins d’un an après leur mariage. Été 1940 : après la défaite française, Raymond, qui sert sous les drapeaux, est fait prisonnier. Une situation intolérable pour Lucie : dans Strasbourg occupée, elle se présente à la prison pour le rencontrer, lui remet un bleu de travail et un médicament provoquant de fortes fièvres. Transféré dans un hôpital, il revêt le bleu de travail et parvient à s’évader en sautant un mur. Premier acte de rébellion du couple, qui file aussitôt vers la zone libre.

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Réfugiés à Lyon, ils participent à la création, avec Emmanuel d’Astier de la Vigerie, de Libération-Sud, un des principaux mouvements de résistance en zone libre, avec Combat, dirigé par l’ancien officier patriote Henri Frenay, et les Francs-tireurs et partisans (FTP), communistes. Libération rassemble en majorité des intellectuels : ingénieurs, enseignants, journalistes…

Premiers faits d’armes : la propagande. Ils publient des tracts, des papillons (petites feuilles de papier libres) et bientôt un journal clandestin, Libération – 54 numéros publiés à partir de juillet 1941 –  implacable contre la politique de Pétain.

Raymond et Lucie Samuel, parents d’un petit Jean-Pierre né en 1941, mènent en apparence la vie bourgeoise parfaite, lui ingénieur dans les travaux publics, elle professeur au lycée de jeunes filles Edgard-Quinet. Mais le soir, ils accueillent des réunions clandestines, rédigent des articles et hébergent des fugitifs. En janvier 1942, Raymond rencontre Jean Moulin, qui cherche des contacts avec des dirigeants de Libération. En effet, sous couvert de ses activités d’ingénieur, Raymond est responsable militaire de l'organisation Libération, chargé à partir de 1942 de récolter des armes. Lors de la réunion de Caluire, il devait être nommé à un haut poste de l’Armée secrète pour le nord de la France.

Dans cette archive, Raymond Aubrac raconte sa première rencontre avec Jean Moulin.

Des fugitifs cachés... par un gendarme

Si le traquenard de Caluire a porté un coup à la Résistance, l’évasion est un rare exploit et, pour les Allemands, un échec cinglant. L’opération avait fait énormément de bruit, se souviendra Raymond. Les Allemands avaient établi un couvre-feu et des surveillances renforcées aux sortie de Lyon et de toutes les gares. Et toute la population était au courant. C’est la première fois que la Résistance s’attaquait en plein jour à la Gestapo et qu’elle gagnait la bataille.[1] Pascal Convert, Raymond Aubrac, résister, reconstruire, transmettre, éd. Seuil, 2011. Pour les Aubrac, dès lors, finie la double vie, ils sont grillés. Ils passeront plus de trois mois dans la clandestinité, en attendant d’être exfiltrés vers Londres. Déplacés de cache en cache, ils constatent la solidarité croissante de la population. La Résistance est devenue un vaste mouvement social.

Un soir, c’est un gendarme à la retraite qui les héberge. Il habitait une toute petite maison, racontera Raymond[1] Pascal Convert, Raymond Aubrac, résister, reconstruire, transmettre, éd. Seuil, 2011. . Avec sa femme, ils nous avaient laissé leur chambre et ils avaient passé la nuit sur le divan. Après le dîner, posant les coudes sur la table, il nous avait expliqué qu’il avait servi la loi pendant trente-cinq ans, qu’il avait toujours respecté la loi et que, maintenant, il se rendait compte qu’il hébergeait des fugitifs poursuivis par toutes les polices du pays. Sa conclusion, c’est que nous, nous étions les légitimes. Par conséquent, sa conscience lui dictait de nous aider, fût-ce au prix des risques qu’il prenait.

Lucy to the rescue, héroïne de BD

À la lueur de la lune, dans la nuit du 8 au 9 février 1944. Un aviateur anglais parvient à poser son appareil dans une clairière de Bletterans, dans le département du Jura. La veille, un message – Ils partiront dans l’ivresse – avait été diffusé trois fois par la BBC : le troisième, à neuf heures du soir, confirmait qu’un avion était bien parti de Londres pour venir les chercher. Mais le terrain est détrempé et l’avion, sitôt posé, s’enlise. Il faudra faire venir des bœufs des fermes environnantes pour le sortir de la boue. Pendant ce temps, des gendarmes complices font des rondes alentour pour guetter une éventuelle intervention des Allemands cantonnés à seulement quelques kilomètres. L’avion décolle finalement vers Londres, avec Raymond, Lucie et le jeune Jean-Pierre. Lucie, enceinte de neuf mois, accouche quelques jours plus tard d’une petite Catherine. Elle devient instantanément l’héroïne de la France combattante, inspirant à Joseph Kessel le personnage de Mathilde dans L’Armée des ombres. Une bande dessinée américaine, Lucy to the Rescue, raconte ses exploits. Forte de sa légitimité, elle est nommée par de Gaulle première femme déléguée à l’Assemblée consultative provisoire d’Alger, où elle représente, depuis Londres, le mouvement Libération-Sud.

Déjà, depuis Londres, Lucie Aubrac s'attelle à transmettre son savoir sur la Résistance. La voici, dans cette archive audio de la BBC datant de 1944, qui raconte l'ambiance dans les maquis et rapporte les paroles d'un maquisard : Nous sommes en guerre, sans jamais connaître la détente d'une permission ou le repos à l'arrière.

Date de la vidéo: 1944

Lucie Aubrac parle du maquis

Inventer un monde meilleur

Les Aubrac entrent dans l’histoire de France, mais le combat continue : il s’agit maintenant d’inventer un monde meilleur sur les décombres de la guerre. Lucie écrit un livre pour raconter l’esprit de la Résistance, elle crée un journal, Privilèges de femmes, à la sensibilité féministe. Raymond est lui envoyé par de Gaulle à Marseille libérée en qualité de commissaire de la République. Il procède à la réquisition de quinze grandes entreprises, qui seront gérées conjointement par les cadres et les ouvriers. Trop révolutionnaire ! Il est rapidement écarté. Rejoignant le ministère de la Reconstruction, il organise le déminage de 500 000 hectares du sol français, tâche aussi urgente que cruelle, une tragédie aujourd’hui oubliée qui causera la mort de cinq cents démineurs français et de deux mille prisonniers allemands volontaires.

La guerre est finie, mais pas les aventures de Lucie et Raymond. Au fil de leurs engagements, ils se lieront au leader vietnamien Hô Chi Minh, qui sera le parrain de leur troisième enfant, puis s’investiront dans le Mouvement international pour la paix, né des craintes suscitées par la bombe atomique. Alors que la guerre froide s’installe, leur compagnonnage avec le PC les rend suspects aux yeux du pouvoir, tandis que le parti se méfie en retour de Lucie, toujours aussi rétive à la discipline. Le couple a tourné la page de la Résistance. Il pense pouvoir mettre en pratique ses idéaux de partage et de transmission du savoir en s’expatriant au Maroc – Lucie y reprend l’enseignement tandis que Raymond participe à la réforme agraire. Puis c’est Rome, où Raymond a été recruté par l’Organisation mondiale pour l’agriculture (FAO).

C’est à leur retour en France, à la fin des années 1970, que la Résistance va ressurgir dans leur vie. Alors que des historiens lèvent enfin le voile sur la période de l’Occupation et le mythe d’une France essentiellement résistante, Lucie, puis Raymond, vont contribuer à transmettre, à travers leur propre expérience, la réalité du quotidien des femmes et hommes de l’ombre qui se sont dressés contre l’oppresseur. Pendant plus de vingt ans, ils  vont inlassablement témoigner dans des centaines d’écoles en France.

Lucie décède en 2007, âgée de 94 ans, après soixante-sept années de vie et d’engagements communs avec Raymond, qui meurt cinq ans plus tard, âgé de 97 ans. Il faut savoir être fou, répétait Lucie. Rejoignant les combats pour les droits les femmes et des étrangers sans papiers, elle transmettait son credo : Le mot résister doit toujours se conjuguer au présent.

Pour aller plus loin

Deux livres

  • Pascal Convert, Raymond Aubrac, résister, reconstruire, transmettre, éd. Seuil, 2011. Une somme sur l’incroyable destin de Raymond Aubrac, basée sur trois ans d’entretiens réguliers.
  • Laurent Douzou, Lucie Aubrac, éd. Perrin, 2009. La première biographie d’envergure consacrée à Lucie, rédigée par un historien spécialiste de la Résistance, qui s’est attaché à séparer minutieusement les faits de la légende.

La Résistance en musique

• Leonard Cohen interprète The Partisan, hommage aux résistants de l'intérieur de la Seconde Guerre mondiale.

 

• Yves Montand, acteur et chanteur d'origine italienne, interprète le chant des partisans italiens Bella ciao.

 

• Créé en 1943, Le Chant des partisans est devenu le chant le plus emblématique de la Résistance, régulièrement entonné lors des cérémonies commémorant la défaite de l’Allemagne en 1945 ou à chaque événement lié à l’histoire de la Résistance. Ce chant fait désormais partie du patrimoine français, au point qu’on l’a parfois décrit comme la Marseillaise des maquis.

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