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Libération de la France : joies et souffrances des civils

Copyright de l'image décorative: US Army - Photos Normandie - Creative Commons

À Saint-Lô (Manche), en août 1944, deux enfants regardent passer à travers les ruines une Jeep américaine précédée d'une Citroën traction avant.
Par Fabrice GrenardAgrégé et docteur en histoire, chef du département Recherche et pédagogie de la Fondation de la Résistance
Publication : 25 juil. 2024 | Mis à jour : 31 juil. 2024
Temps de lecture : 5 min

Niveaux et disciplines

Tant attendue par les Français et porteuse d’espoirs, la Libération du printemps et de l’été 1944 marque le retour des premiers « beaux jours » dans l’Hexagone après quatre années d’occupation allemande. Mais elle se caractérise aussi par les souffrances liées au retour des combats sanglants sur le sol français – près de quatre ans après la signature de l’armistice du 22 juin 1940 – et aux nombreux massacres de civils opérés par les nazis.

Le « bel été » 1944, c’est d’abord, dans les territoires que quittent les Allemands, une atmosphère exaltante où se mélangent explosions de joie, communion intense et sentiment passionné d’une fraternité retrouvée.

La Libération, une « fête »

Tout cela transparaît dans les rassemblements importants, où les habitants des villes libérées acclament leurs libérateurs (soldats alliés, mais aussi FFL - Forces françaises libres - et FFI - Forces françaises de l'intérieur) tandis que des manifestations patriotiques se développent spontanément pour célébrer de façon collective la liberté retrouvée. Jusque dans les plus petits villages, la population se livre à la destruction des signes de l’ordre ancien (affiches, portraits, noms de rue liés au régime de Vichy), remet à l’honneur la symbolique républicaine (drapeaux et cocardes tricolores, bustes de Marianne) et multiplie les bals populaires.

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Les souffrances d’une France meurtrie

Cette image dominante de liesse générale ne saurait toutefois faire oublier que la Libération est un processus qui fut vécu de façon moins heureuse dans certains territoires. Dans les régions françaises les plus touchées par les combats et les massacres, la joie de l’été 1944 laisse souvent place à la douleur. Ce fut le cas dans les villes et villages martyrs, victimes des atrocités allemandes (Tulle, Oradour-sur-Glane, Vassieux-en-Vercors) ou dans les régions qui ont le plus souffert des bombardements des forces aériennes alliées (Normandie, nord de la France). Au Havre, où les bombes larguées par la Royal Air Force britannique rasent 80 % de la ville et font plus de 2 000 morts au début septembre 1944, l’accueil des troupes alliées est glacial. Pour la presse locale, les libérateurs deviennent les « libératueurs ». Au total, les bombardements alliés font entre 50 000 et 60 000 morts en France et détruisent près de 500 000 habitations. Des dizaines de milliers de Français sont sinistrés et connaissent des conditions de vie extrêmement précaires, contraints à vivre dans des baraquements provisoires.

Date de la vidéo: 2015 Collection:  - Mystères d'archives

1944 : Dans le maquis du Vercors

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À la fin de l’été 1944, la progression des forces alliées ainsi que les actions menées par la Résistance ont permis de libérer la majorité du pays, mais quelques territoires demeurent encore sous le contrôle de l’occupant et le resteront jusqu’à la fin de l’année 1944 (Alsace). Certaines poches de résistance allemande constituées autour de ports fortifiés comme Dunkerque, Lorient ou Saint-Nazaire tiendront même jusqu’aux jours suivant la capitulation du Reich les 7 et 8 mai 1945.

Date de la vidéo: 1945 Collection:  - Les Actualités françaises

Une ville sinistrée : Saint-Nazaire

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Le retour des « absents »

Beaucoup de familles vivent également dans l’attente du retour d’Allemagne des déportés et des prisonniers, qui n’aura lieu qu’au printemps 1945. Elles ne peuvent communier dans la joie collective du moment, comme l’a très bien écrit Marguerite Duras dans La Douleur, récit de l’attente interminable du retour de son mari, Robert Antelme, déporté à Buchenwald. Mené sous l’égide du ministère des Prisonniers, des Déportés et des Réfugiés, que dirige le résistant Henri Frenay, le retour des « absents » s’effectue entre le début du printemps et l’été 1945.

La France est le second pays d’Europe (après l’URSS) à compter le plus grand nombre de ses compatriotes retenus en Allemagne (environ 2 millions de personnes, soit 5 % de la population). Parmi eux, une majorité de prisonniers de guerre (1 million), 600 000 requis du STO (le Service du travail obligatoire), 60 000 déportés raciaux ou politiques (seuls 2 500 Juifs sur les 76 000 déportés de France ont survécu), mais aussi 130 000 Alsaciens et Mosellans incorporés de force dans la Wehrmacht (et surnommés les « malgré-nous »).

Vidéo

Date de la vidéo: 1944 Collection:  - France Actualités

Avec les travailleurs français du STO en Allemagne

Dans un reportage du journal « France Actualités » diffusé en mars 1944, la propagande vichyste présente sous un jour très favorable les conditions de travail en Allemagne des Français réquisitionnés au titre du STO à partir de février 1943.

Date de la vidéo: 1981 Collection:  - Journal régional - Alsace

Les malgré-nous

En dépit de ses efforts, le ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés est rapidement critiqué. Les formalités bureaucratiques et administratives sont jugées trop longues ; l’accueil n’est pas toujours à la hauteur des attentes de ceux qui rentrent au pays. Les efforts pour réunir l’ensemble des rapatriés en une seule et même catégorie (« Ils sont unis, ne les divisez pas ! » clament des affiches éditées par les fédérations nationales de rapatriés) n’empêchent pas qu’une hiérarchie s’installe. Ainsi, les résistants et déportés politiques sont accueillis en héros. Il en est autrement pour les prisonniers de guerre : si leur longue absence permet qu’ils soient accueillis chaleureusement, leur statut rappelle le déshonneur de la défaite éclair de 1940. L’indifférence est plus grande à l’égard des travailleurs requis qui sont partis en Allemagne.

Et plus encore à l’égard des déportés raciaux dont la vue provoque une sorte d’effroi et renvoie au sujet tabou de la complicité de l’État français dans la déportation.

Les rapatriés, qui n’ont pas pu participer à la liesse de la Libération, retrouvent la France alors que la vie y a déjà repris son cours, y compris la vie politique puisque les élections municipales d’avril 1945 ont lieu avant leur retour.

Date de la vidéo: 2019 Collection:  - La Grande Explication

Le droit de vote des femmes

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La réinsertion se révèle souvent compliquée, aussi bien sur le plan psychologique, que professionnel ou familial (50 000 divorces sont prononcés entre 1945 et 1948). Elle apparaît plus difficile encore pour les déportés raciaux, qui ne retrouvent souvent personne à leur retour et doivent continuer à vivre avec un traumatisme terrible, parfois insurmontable, et souvent largement sous-estimé par la population.

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